Ryan Foerster, Sam Moyer, Charles Ross, Hugh Scott-Douglas
Phantom Sun
Un phantom sun, ou parhélie, est un phénomène atmosphérique faisant apparaître de vives tâches lumineuses de part et d’autre du soleil à l’intérieur d’un cercle se dessinant dans le ciel. La lumière du soleil, filtrée par les petites particules d’eau en suspension dans l’air, crée alors une forme aux couleurs vives, laissant croire à l’apparition de deux «faux soleils» dans le ciel.
Cette exposition réunit plusieurs artistes intégrant le soleil et les éléments naturels dans leur processus de création. Utilisant différents médiums, les matières brutes ou l’exposition directe aux forces de la nature, chacun des artistes développe son propre procédé expérimental, qui l’amène à trouver un équilibre entre le contrôle et le laisser-faire. Le résultat en est une manifestation paradoxale de la volonté de l’artiste alliée à la puissance de la nature. Au sein de ces pratiques, le ton est donné par la nature — le temps et le climat deviennent des outils, tandis que la géographie se mue en lieu de travail. Les Å“uvres présentées se comprennent comme des «objets-images» — un amalgame de peinture, de sculpture, de photographie et de méthode scientifique, qui capture la trace d’un instant passé. L’inscription de ces Å“uvres se comprend dans le temps tout autant que dans l’espace: c’est leur apparition qui fait Å“uvre, à la manière dont une image se révèle sur le papier photographique.
Charles Ross
C’est avec un ensemble d’Å“uvres de Charles Ross (né en 1937, vit et travaille au Nouveau Mexique) que le soleil s’impose comme l’élément central de l’exposition. Le Serial Cube Set de 1968 est une sculpture en quatre modules conçus à partir du cube, forme emblématique du minimalisme. Les quatre modules en plexiglas transparent déclinent un cube de plus en plus tronqué, jusqu’à devenir un triangle. À l’intérieur de chaque élément, le liquide optique, mis au point par l’artiste, diffracte la lumière naturelle et fait apparaître une série de franges irisées amplifiées par le jeu complexe de transparence et de diagonales du plexiglas. C’est après avoir longtemps travaillé sur la décomposition de la lumière que Charles Ross a décidé de s’intéresser à sa concentration: témoignant du pouvoir brut du soleil, les Solar Burns résultent d’une exposition à la lumière du soleil concentrée par une lentille optique sur un panneau de bois. À la surface du bois, le phénomène de combustion laisse apparaître son dessin sur une simple couche de peinture blanche. De panneau en panneau se dessine ainsi une étrange et inquiétante constellation d’étoiles noires.
Depuis des années, Charles Ross travaille par ailleurs à la construction d’un site monumental au nouveau Mexique, Star Axis, Å“uvre d’art architectonique que l’artiste comprend comme un trait d’union entre la terre et les étoiles. La Hour Chamber permet par exemple d’observer une heure de la rotation de la terre. Au centre de ce site, le Star Tunnel, situé exactement dans l’axe de rotation de la Terre, est un lieu privilégié d’observation de la courbe des étoiles. Trois grandes photographies réalisées par l’artiste sur ce site témoignent de sa majesté.
Ryan Foerster
C’est à partir de papiers photosensibles que Ryan Foerster (né en 1983, vit et travaille à New York) conçoit une série d’images abstraites aux couleurs vives réalisées en extérieur. Les papiers photographiques sont enterrés sous toutes sortes de débris : terre, fragments végétaux, éléments organiques. Paradoxalement, ce traitement de l’image photographique révèle une palette surprenante de couleurs vives. L’ensemble est à la fois sali, dégradé, et possède pourtant quelque chose en plus qui magnifie l’image. L’artiste raconte que c’est au moment de l’ouragan Sandy (qui a ravagé New York en octobre 2011) que les plus belles images ont été créées: capturant ainsi quelque chose d’une violence naturelle, Ryan Foerster produit une série qui rend sensible la force de la nature par le biais d’une composition entièrement abstraite.
Hugh Scott-Douglas
Hugh Scott-Douglas (né en 1988, vit et travaille à New York) recourt pour sa part à un procédé traditionnel, l’impression à l’albumine, qui allie le blanc d’Å“uf au nitrate d’argent pour révéler une image à partir d’un négatif. Inventé en 1855, ce procédé est célèbre pour avoir révolutionné le rapport de la société du XIXème siècle à l’image photographique, en rendant possible l’impression multiple à partir d’un négatif. Les impressions à l’albumine furent ainsi dédiées en grande partie à l’envoi de cartes postales, donnant naissance à cette pratique populaire. Les impressions de Scott-Douglas sont réalisées à partir de scans d’anciennes pièces de monnaie en argent, dont la circulation cesse l’année même où est inventée la technique de l’albumine. À la surface de ces pièces, des traces de poinçons témoignent de leurs mises à l’épreuve successives pour en tester leur authenticité.
Sam Moyer
Les grands formats de Sam Moyer (née en 1983, vit et travaille à New York) sont conçus à partir d’éléments simples, l’encre noire, la toile et la décoloration, en exploitant les plis et les craquelures du tissu. Laissés en extérieur pendant le temps de séchage, l’ensemble fait apparaître un ensemble de motifs alternativement rigides ou organiques. La qualité du noir et blanc qui en résulte, évoque fortement le procédé photographique, réinvestit les notions traditionnelles de ligne d’horizon, d’ombre et de lumière, de volume et de creux, dans un contexte non figuratif.