Heidi Wood
Petite couronne
«La banlieue est aujourd’hui un espace nié où prolifère ce que l’anthropologue Marc Augé appelle le «non-lieu», et qui est tout ce que la ville rejette, dans le plus grand désordre malgré la pratique de zonage, mais dont elle a un besoin vital: usines, autoroutes, hypermarchés, aéroports, cités dortoirs…»
David Leyval, La banlieue, l’épreuve de l’utopie.
Partant de ce constat, Heidi Wood s’est attaché à réhabiliter non sans une certaine ironie cette banlieue regardée avec condescendance par les résidents du centre-ville, avec rejet par nantis, ou avec un certain romantisme par certains privilégiés, qui la considèrent avec bienveillance car ils n’en ont pas les inconvénients (ce qui revient d’ailleurs à une forme de condescendance). Au programme, de véritables panneaux routiers frappés de fleurs pictographiées (mise en garde, interdiction?) et une peinture murale architecturale monochrome sur laquelle sont accrochés des tableautins représentant ces constructions pavillonnaires typiques des cités dortoir communes au monde entier, aux limites de la rase-campagne. On peut penser à un bureau d’information touristique mais aussi aux locaux d’un promoteur immobilier.
Cet hommage aux banlieues qui accueillent tout ce que les villes excluent nous rappelle que les artistes eux-mêmes en sont tenus éloignés bien qu’elles aient un besoin vital de ceux-ci pour alimenter les foires et les expositions pléthoriques qui y sont organisées à longueur d’année. Ce n’est pas nouveau: Erik Satie survivait tant bien que mal à Arcueil pendant que les bourgeois parisiens se divertissaient de son ballet Parade en 1917. On ne compte plus aujourd’hui les créateurs toutes disciplines confondues qui vivent et travaillent en banlieue, sorte d’entrée des artistes de la ville. La vie se charge de leur rappeler qu’ils ne sont que des fournisseurs. La bohème était flambante. On est à mille lieux de cette insouciance. D’où l’aspect grinçant des pictogrammes picturaux d’Heidi Wood dont la facture clinique s’abat comme une lame.
On peut qualifier Heidi Wood de peintre paysagiste urbain pictographiste. Elle dessine d’ailleurs au moyen d’adhésif noir, histoire de distancier le geste, de déshumaniser autant que possible. C’est de l’anti-impressionnisme absolu, dénué de tout affect.
Elle s’est distinguée auparavant grâce à une série d’assiettes souvenir en porcelaine sur lesquelles étaient imprimés à chaud des paysages industriels, de la même manière que la Baie des Anges dans le Finistère Nord par exemple.
Mentionnons le fait que tout est programmé dans la production artistique d’Heidi Wood. Il n’y a aucune place pour l’indétermination. Chaque chose est à sa place dans une sorte de constructivisme revisité.