Présentation
Agnès Tricoire
Petit Traité de la liberté de création
La liberté de création n’est prévue dans aucun texte de loi, aucun instrument juridique ne l’a pensée. La liberté d’expression est bien consacrée depuis plus de deux siècles par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais on ne trouve pas la moindre référence aux œuvres, ou à l’art, dans cette déclaration. Or les œuvres font débat. Et ce débat se déroule de plus en plus devant les tribunaux, la loi se montrant sans cesse plus contraignante et répressive. Qui doit juger les œuvres et selon quels critères? De l’élu qui décide d’interdire telle exposition à la commission de classification des films qui applique des critères ouvertement subjectifs, la littérature, les arts plastiques, la chanson, le cinéma sont désormais passés au prisme des opinions de chacun, religieuses, morales, politiques.
L’art doit-il être soumis à des impératifs aussi variés et étrangers à sa sphère? Comment définir la liberté de création? Y a-t-il des limites acceptables, comme la vie privée ou le droit à l’image? Comment répondre aux demandes de censure lorsqu’on est un élu? Que se passe-t-il aux États-Unis, souvent cités en exemple? C’est à toutes ces questions qu’entend répondre ce livre, en alimentant la réflexion juridique par d’autres disciplines (philosophie, narratologie, sociologie) et en prenant appui sur de nombreux exemples — de Michel Houellebecq à Philippe Besson, en passant par Larry Clark, François-Marie Banier, le groupe de rap Sexion d’Assaut et bien d’autres…
Plaidant pour que le public reste libre d’entrer en contact avec les œuvres sans que l’on pense à sa place, Agnès Tricoire dessine ainsi les contours d’une liberté de création qui s’enracine dans la liberté d’expression mais s’en distingue, parce que l’art n’est pas simplement du discours.
SOMMAIRE
Comment définir la liberté de création dans le contexte actuel?
— La liberté de créer sous haute surveillance aux Etats-Unis
— Pour en finir avec l’idée que l’Etat n’y est pour rien
— La grande hypocrisie de la protection de l’enfance
— Le mobile inavouable de la censure: le climat réactionnaire et la haine de l’art
— Jugement de goût ou jugement de droit, comment juger l’oeuvre?
— Manifeste pour l’autonomie de l’oeuvre
— De l’exception artistique à l’exception de fiction
La liberté de création à l’épreuve de la pratique
— La forme unique et l’idée unique: le cas particulier du délit de blasphème
— Quand un personnage tient un discours raciste, la fiction exclut le délit. L’affaire «Pogrom»
— Fiction et personnes réelles: littérature et vie privée
— La protection de la réputation face à la liberté de la fiction
— Les oeuvres et les visages. Photographies, vie privée et droit à l’image