Piero Gilardi, Andrea Bellini
Petit manuel d’expression avec la mousse polyuréthane
Piero Gilardi fut, au milieu des années 1960, l’inventeur des «tapis-nature»: une proposition originale et profondément écologiste qui le fit connaître sur la scène internationale et témoigna de l’impact du Pop Art en Europe. Artiste itinérant, organisateur très actif et théoricien ouvert, il contribua ensuite à la naissance de l’Arte Povera, travaillant tout particulièrement à l’établissement de relations fructueuses avec d’autres initiatives du même ordre apparues simultanément hors d’Italie, soutenant le travail d’artistes tels que Richard Long ou Jan Dibbets, introduisant celui de Bruce Nauman ou d’Eva Hesse en Europe.
Son engagement sans concession en faveur du resserrement des liens entre l’art et la vie vont le pousser à l’action sur le terrain de l’expérimentation collective: des formes du théâtre politique et anthropologique aux ateliers psychiatriques en passant par les combats politiques des ouvriers de Fiat dans les années 1970-1980.
Dans les années 2000, Piero Gilardi a initié le projet du «Parc d’art vivant», centre d’art en plein air installé à Turin accueillant des artistes (Dominique Gonzalez-Foerster, Gilles Clément, Lara Almarcegui, Michel Blazy, etc.) mais aussi des scientifiques et surtout le public, invité à participer sous des formes actives.
Il apparaît ainsi comme une figure emblématique des évolutions de l’art et de la société des cinq dernières décennies, dont l’œuvre et les recherches théoriques permettent toujours d’évaluer les possibilités pour l’art d’être effectif dans le «réel».
Dans ce livre d’artiste, Piero Gilardi révèle ses techniques de travail et explique comment créer des sculptures telles que celles qu’il a produites au début des années 1960. Pionnier de l’Arte Povera et ardent promoteur de l’engagement écologiste dans les arts plastiques, Gilardi est aussi un militant politique: la technique qu’il a mise au point pour ses sculptures a souvent été utilisée pour produire des masques, des panneaux et des accessoires pour des défilés et des manifestations, ainsi que le rappelle l’artiste dans un entretien avec Andrea Bellini. Pour ces raisons et bien d’autres — ses créations dans les domaines du design et de la mode, ses engagements sociaux, etc. —, Gilardi apparaît comme une figure emblématique de l’évolution de l’art et de la société des cinquante dernières années, dont les œuvres et les recherches théoriques, aujourd’hui plus que jamais pertinentes, permettent d’envisager les possibilités pour l’art d’être effectif et utile dans le monde «réel».
«La mousse polyuréthane semble inviter d’elle-même au jeu en tant que matière «magique», inventée, avec un seul pendant dans le monde naturel organique (l’éponge marine) et un statut à part parmi les «matières» synthétiques de notre culture. La mousse polyuréthane suscite, chez les enfants en particulier, une série de sensations agréablement allusives: elle rappelle, par exemple, la douceur du sein maternel. En la comprimant puis en la laissant revenir à sa forme initiale, on obtient une forme originale du jeu infantile de cache-cache; en l’utilisant comme un corps contendant, elle permet de décharger les pulsions agressives de façon inoffensive et déculpabilisée.
Jouer avec des résidus ou des pièces informes de mousse polyuréthane permet aux enfants de développer un maximum leur imagination; un fragment peut être, à tour de rôle, une île accueillante au milieu de la «mer» du plancher, une masse énorme à lancer contre l’«ennemi» ou un animal à prendre dans ses bras, à chevaucher, à frapper, etc.»