PHOTO | CRITIQUE

Peter Knapp ou la passion des images

PRoland Cognet
@14 Mar 2008

Créateur polymorphe, le Suisse Peter Knapp se consacre depuis plus d’un demi-siècle au graphisme, à la peinture et à la photographie. L’exposition présentée par la Maison européenne de la photographie rend compte de son goût pour l’expérimentation tous azimuts.

Né en 1931, Peter Knapp se forme au graphisme et s’installe à Paris au début des années 1950. Il développe une œuvre de peintre et de photographe, mais il est surtout connu comme directeur artistique du magazine Elle, photographe de mode et réalisateur d’émissions de télévision.
L’exposition de la MEP, dans deux espaces différents et dans la vitrine de la Bibliothèque qui accueille les livres mis en page par Peter Knapp, semble vouloir distinguer les travaux appliqués des recherches personnelles de l’artiste. Elle permet, au contraire, de voir l’amplitude de ses expérimentations et de saisir le dialogue que Peter Knapp a su instaurer entre ses différentes pratiques.

Peter Knapp est ainsi l’un des premiers artistes à travailler en couleur et en grand format. Il produit aussi des œuvres, comme ce drapeau suisse battu par le vent, dont les formes du support épousent celles du motif et affirment la nature objectale du tirage et les ambitions plasticiennes de la photographie.

Ses différentes pratiques dialoguent entre elles. C’est parfois évident. Ainsi de cette grande photographie tirée sur une toile de peintre montée sur châssis, littéralement un tableau photographique. Ou bien de ces carrés de ciels uniformes de la série «Il fait beau». Ils sont un clin d’œil photographique à la question largement picturale du monochrome.
Ailleurs, Peter Knapp isole ou assemble des éléments du monde visible (nervures de pierres, lignes du paysage, sillages d’avions et de bateaux…) pour interroger les fondamentaux du graphisme et de l’abstraction géométrique. Dans le photomontage Hommage à Joseph Albers (1989), les traînées des avions forment un carré parfait évoquant les travaux de ce maître du Bauhaus.

De la même manière, Peter Knapp fut un directeur artistique et un photographe de mode dont les audaces ont nourri ses œuvres d’inspiration conceptuelle.
Par exemple, cette double page du magazine Elle du 31 août 1970 intitulée «Une mode en marche». La mise en page de Peter Knapp superpose quatre séquences décomposant, selon un protocole rigoureux, les déplacements de quatre mannequins. Cet intérêt pour le mouvement comme expression du temps est présent dans plusieurs œuvres séquentielles ou programmées. Une colonne d’une vingtaine d’images rend ainsi compte de 5 minutes de la vie d’un nuage. De son côté, SF 701 comprend 17 photographies prises toutes les trois minutes au cours d’un vol entre Paris et Zurich.

Recréation d’un espace-temps, cette série de photographies aériennes dûment légendées souligne la cohérence thématique de l’œuvre de Peter Knapp. Rebelle à toute unité formelle, elle multiplie les expérimentations pour explorer les notions d’espace et de temps, leurs continuités et leurs ruptures.

Publication
— Peter Knapp, Editions du Chêne, 2008.

Peter Knapp
— Stern, Création de Valentino, 1980. Photographie.
— Pour Courrèges dans Elle, 1965. Photographie.
— Sunday Times Magazine, 1967. Photographie.
— Françoise Fabian, 1970. Photographie.
— Frontside. Installation à Bâle, Suisse, 2002. Photographie.
— Rita, premier polaroid, 1962. Photographie.

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