Peter Buggenhout
Pour clôturer un premier cycle d’expositions monographiques consacrées aux enjeux actuels de la sculpture, en écho à l’«île aux pierres » revisitée sous l’angle de la matière — des matériaux les plus concrets aux formes infra-minces —, le Centre international d’art et du paysage invite aujourd’hui l’artiste flamand Peter Buggenhout à réaliser une exposition personnelle.
À la symétrie post-moderne du bâtiment d’Aldo Rossi et Xavier Fabre, Peter Buggenhout répond par l’informe. Il présente à Vassivière un ensemble de sculptures inédites, réalisées par assemblage de divers déchets, matériaux organiques et industriels.
Dans chaque salle du centre d’art, empreinte d’une fonction prédéfinie (Atelier, Salle des études, Petit théâtre, etc.), l’artiste a choisi de développer la typologie d’œuvres selon laquelle s’organise son travail depuis une vingtaine d’années. Elles se répartissent en trois catégories: les Gorgo, constituées d’emballages entremêlés de sang et de crin de cheval; les The Blind Leading the Blind, composées de déchets recouverts de poussière industrielle, et enfin les Mont Ventoux, des panses de vaches fourrées de coton.
Dans les plus grandes salles, deux installations monumentales pensées spécifiquement pour le lieu amorcent de nouvelles directions dans la pratique de l’artiste, tant par leur matériau que par leur structure. Pour la Nef du Centre d’art, Peter Buggenhout a conçu une architecture dans l’architecture: une maquette démesurée remplie de débris industriels qui amplifie l’artifice assumé du bâtiment d’Aldo Rossi et Xavier Fabre. Dans ce «vaisseau», la structure bancale semble flotter à la dérive, comme après une catastrophe.
Enfin, dans l’obscurité du Phare, il suspend une structure gonflable géante issue d’un parc de jeux, ici dégonflée et souillée. Par son matériau et son emplacement dans ce qui sert aussi de belvédère sur le lac, l’œuvre peut être lue comme un contrepoint à l’histoire du développement touristique de Vassivière depuis les années 1950.
Les œuvres de Peter Buggenhout, tout étant inscrites, par leurs matériaux, dans la réalité industrielle, tendent vers une abstraction difforme suscitant à la fois fascination et effroi. S’apparentant à des épaves post-apocalyptiques, ces sculptures synonymes d’instabilité sous-tendent les relations complexes de l’homme à son environnement à l’ère de l’Anthropocène. Savamment pensées, tant dans leurs références (mythologie, cultures non occidentales, science-fiction, etc.) que dans leur mode d’assemblage, elles nous troublent pourtant à chaque fois, nous laissant dans l’impossibilité de définir ce qui se trouve devant nos yeux.
Parallèlement à l’exposition, l’œuvre Gorgo #13 sera montrée du 6 avril au 8 juin 2014 à l’Espace Paul Rebeyrolle d’Eymoutiers (87).