Peter Aerschmann, Xiomara De Oliver, Eduardo Sarabia et Xie Lei
Peter Aerschmann, Xiomara De Oliver, Eduardo Sarabia et Xie Lei
Après avoir présenté à la galerie, il y a tout juste un an, Where are you ?, une vidéo interactive qui utilisait les propriétés de la téléphonie mobile (visible aujourd’hui dans la collection permanente de la Mep à Paris), Peter Aerschmann revient en 2008 avec deux vidéos – compositions d’objets, collages numériques – qui entrent en résonance avec ses premiers travaux.
Oil pointe, par un rapprochement violent, les dérives outrancières d’une société de surconsommation symbolisée par le pétrole.
Winter Games, dont le nom est une référence directe au jeu-vidéo éponyme (Commodore 64, 1985, Epyx), devient une interrogation radicale sur une guerre hors normes contre le terrorisme.
Peter Aerschmann construit là des objets sentiments, sans place ni temporalité. Il interroge l’Histoire. Les repères chronologiques sont faussés aussi bien techniquement (utilisation du « loop » : procédé permettant à chaque élément de l’image de se mouvoir aléatoirement en fonction de séquences préenregistrées) que géographiquement – assemblage d’objets sans histoire commune.
Le temps flotte, rien ne bouge. Mode pause. Les personnages attendent, comme les héros d’un jeu vidéo, que le spectateur branche les manettes pour (re)démarrer.
Mais en tant que spectateur nous ne pouvons qu’observer, regarder avec quelle résignation les protagonistes se meuvent (les baigneurs de Oil) ou avec quelle incrédulité ils se déplacent – les enfants et les terroristes de Winter Games échangent leurs places, apparaissent, disparaissent comme les héros de dessins animés.
Les manettes nous manquent, celles qui permettraient de tout changer. Des manettes que Peter Aerschmann nous a volontairement dérobées pour nous confronter à une question à peine voilée : peut-on faire quelque chose ? ou même, plus simplement, que faisons-nous ? Maintenant, aujourd’hui.
Xiomara De Oliver explore la condition de la femme, et plus particulièrement afro-américaine, dans la société actuelle, une condition tant physique que politique.
Car si elle utilise l’Histoire, la superficialité du monde moderne, le prétendu rêve américain, chef de file des inégalités en tout genre, Xiomara de Oliver s’attache également à explorer son propre être, sa personnalité. Ainsi elle met en lumière la soumission inconsciente de la femme au regard masculin mais également sa capacité à tirer parti de ses atouts physiques, dénonçant par là même l’adhérence de la femme à la société.
Elle présente une critique sur les rôles qu’on impose aux femmes et qu’elles s’imposent elles-mêmes, et retrace une longue histoire féminine. Une histoire qui semble d’ailleurs fondée sur un manuel, un guide de conduite – référence à l’Amour Courtois, qu’elle met un point d’honneur à tourner en ridicule.
Les femmes aux postures de pin up que peint Xiomara s’inscrivent sur des fonds toujours plus mystérieux.
Ces atmosphères, aussi légères que troublantes, ces larges aplats de couleur, portent la femme afro-américaine, lui permettent d’évoluer dans un monde en suspens, de se démultiplier à l’infini.
L’absence de repères est affirmée et marque, de la manière la plus poétique et la plus fine, les préoccupations d’une artiste engagée contre le consensus artistique et sociétale global.
Si l’on observe chez Xiomara de Oliver une conscience aigue de la condition de la femme, celle-ci est d’avantage le relais de son imaginaire plutôt qu’un porte-étendard socio-culturel.
La première salle accueille une double installation d’Eduardo Sarabia, jeune artiste mexicain présenté pour la première fois à la galerie. Dans la première partie, une composition de cent assiettes en céramique représentent des scènes de la vie quotidienne.
Juste devant trône une pièce en céramique, sculpture cette fois-ci, composée d’un vase et de son socle fébrile, fantasmes de l’artiste ou du Monde dans lequel il agit.
L’objet en céramique est le medium le plus représentatif du travail actuel d’Eduardo Sarabia. Issue tout droit du folklore mexicain, la poterie est pour l’artiste un moyen de transformer l’espace d’exposition en espace de conte.
Ceci lui permet ainsi de naviguer entre références culturelles et mythologie personnelle pour révéler avec chaleur, humour et absurdité des messages politiques forts ainsi qu’une grande conscience de la responsabilité humaine.
Eduardo Sarabia comme inventeur de scénarios. Tel le lecteur d’une fresque d’un autre temps, le spectateur se retrouve dans des situations théâtrales satiriques qui, sans mot, lui posent les questions de son temps.
Agé de vingt-cinq ans, Xie Lei appartient à la nouvelle génération de la scène contemporaine chinoise. Les toiles présentées ici sont sélectionnées à partir d’un Bestiaire Imaginaire. L’animal n’est plus un sujet, mais un moyen, un prétexte. Xie Lei le place dans des situations apparemment impossibles, absurdes, il crée des fictions troublantes.
Le ridicule côtoie le tragique ; la joie, la douleur… L’ambiguïté, l’énigme se glisse dans la toile, la lecture n’est pas immédiate, dirigée, univoque, ce qui était familier ne l’est plus.
Avec ce Bestiaire Imaginaire, Xie Lei renouvelle un thème qui a conduit poètes, écrivains, peintres, de toutes origines, à voir dans le monde des animaux un miroir de celui des humains.
critique
Xiomara De Oliver, Eduardo Sarabia, Peter Aerschmann, Malachi Farrell, Xie Lei.