Vera Molnar
Perspectives et variations
Artiste d’origine hongroise née en 1924, Vera Molnar s’installe à Paris dans les années cinquante après une formation classique à l’Ecole des Beaux-arts de Budapest.
Proche de l’esthétique minimaliste par le recours à la bichromie et aux formes géométriques, éminemment conceptuel du fait de la méthode et du questionnement mis en jeux, son travail échappe cependant aux tendances et classements des historiens.
Afin d’évacuer ce qu’elle appelle les “ready-made mentaux culturels”, Vera Molnar utilise différents jeux programmatiques et principes mathématiques pour produire des séries guidées par une même quête du visible. Elle n’hésite pas cependant, à l’instar de l’Oulipo, à jouer et déjouer les contraintes qu’elle s’impose à elle-même.
Au Frac Lorraine, elle propose deux créations in situ, agrandissements de pièces historiques de petit format. Elle produit ainsi des « wall paintings » pour les gigantesques murs des salles d’exposition. Deux principes y sont en jeu : la délégation de production et le changement de dimension.
En questionnant ces fondamentaux de la création (la main de l’artiste, l’échelle), elle rappelle que l’idée de l’oeuvre prime sur sa réalisation, conditionnée par des critères contingents. Promenade (presque) aléatoire (1998-1999 ; collection Frac Lorraine), installation encore inédite en Lorraine, complète ce choix forcément subjectif au regard de soixante ans de création.
En écho à ce travail, Amélie Dubois (née en 1983) présente l’installation visuelle et sonore Le Monde (2006-2007). Durant un an, elle a retranscrit avec un logiciel informatique les “Unes“ du journal Le Monde en partitions musicales. Puis les a confiées à l’interprétation libre d’une pianiste, avec pour contrainte un enregistrement quotidien. Ces pièces musicales sont diffusées aléatoirement dans l’espace d’exposition où les partitions sont visibles.
Issues de générations différentes, ces deux artistes s’obligent à suivre un système, un protocole déterminé qui met en évidence le processus de réalisation de l’oeuvre ; cette contrainte librement imposée n’empêchant pas, au contraire, la production indéniable d’une poésie sonore et visuelle.