Présentation
Anaël Lejeune
Perspective et géométral. Problématisation de la sculpture aux Etats-Unis (1966-1973)
Dans un article publié en 1966, un texte adroit et subtil, quoique pris dans bien des contradictions encore au regard du cheminement intellectuel qui devait être celui de la critique et historienne de l’art, Rosalind Krauss sut avec intuition nouer ensemble nombre des thèmes qui, au cours des années à venir, allaient polariser réflexions et débats autour de la sculpture. Le texte est consacré au travail de Donald Judd, figure majeure de l’art minimal tout récemment porté aux nues.
Cette étude d’Anaël Lejeune porte sur la notion de sculpture telle qu’elle s’est trouvée problématisée aux Etats-Unis durant la seconde moitié des années 1960 et au début des années 1970. Singulièrement, elle envisage le travail de quatre artistes ayant œuvré au lendemain immédiat de l’avènement du minimalisme: Mel Bochner, Robert Morris, Richard Serra et Robert Smithson. À travers leur pratique et leurs écrits, ces quatre artistes ont en effet articulé une pensée du médium sculptural à partir d’une dialectisation de deux points de vue ou modes d’appréhension de son objet que sont, d’une part, la vue surplombante ou totalisante, soit le géométral, et d’autre part, sa perception fragmentaire et contingente au sol, soit le profil, notamment thématisé sous les traits de la vue perspective. La régularité avec laquelle ces artistes ont eu recours à ce modèle ne peut manquer de signaler la capacité dont ils le jugeaient apte à rendre compte des enjeux spécifiques soulevés par l’objet sculptural et l’appréhension de sa spatialité.
Concomitamment, en analysant tour à tour les modalités par lesquelles les œuvres thématisent leurs propres conditions d’existence et d’apparition, les réflexions écrites qui s’y adossent, et les outils philosophiques convoqués à l’appui de propositions artistiques, cette étude entend rendre sensibles certains des processus par lesquels s’élabore une forme de théorie à l’œuvre.
«La présente étude porte sur les réflexions théoriques qui ont entouré la notion de sculpture aux États-Unis dans la seconde moitié des années soixante et au début des années soixante-dix. Plus précisément, elle porte sur les termes dans lesquels la sculpture s’est conjointement trouvée problématisée et conceptualisée dans la pratique et les écrits de quatre artistes œuvrant au lendemain immédiat de l’avènement du minimalisme sur la scène artistique new-yorkaise, un avènement qui devait marquer du sceau de l’urgence la nécessité de réinterroger les enjeux et les possibilités de ce médium. Ces quatre artistes sont Mel Bochner, Robert Morris, Richard Serra et Robert Smithson.
Si tous ces artistes ont pu, à un moment ou à un autre, être assimilés plus ou moins à tort à l’art minimaliste, ils n’en ont pas moins en commun d’avoir expressément pris position par rapport à ses postulats, s’en faisant les héritiers et les critiques tout à la fois. Encore, que certains d’entre eux aient pu être abusivement qualifiés de sculpteurs, ils n’en n’ont pas moins tous créé des pièces ressortissant effectivement à cette catégorie artistique.
Plus encore, ils ont produit des œuvres conduisant cette catégorie à revêtir des aspects à ce point inédits que l’usage même du vocable s’en trouvât bientôt inquiété.»
Anaël Lejeune
Sommaire
— Introduction
— Chapitre I. Le moment minimaliste de la sculpture
— Chapitre II. Robert Smithson: points de vue, non-site et non-lieu
— Chapitre III: Robert Morris: mode paysager de perception et surveillance
— Chapitre IV: Richard Serra: le déploiement de la spatialité
— Chapitre V: Mel Bochner: planification et conditions de visibilité
— Copyrights
— Bibliographie
— Index des noms propres
— Remerciements