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Persistances

PRaphaël Brunel
@12 Jan 2008

Plein de réminiscences, le travail photographique de Jean-Philippe Baert recouvre une aura fantomatique, qui semble autant interroger la dépossession du regard du spectateur que la disparition d’un certain mode de production et de diffusion des images confronté à la technologie numérique. 

Jean-Philippe Baert s’intéresse depuis longtemps à la vidéo, à la spécificité de sa représentation, à sa temporalité et à sa luminosité. Il utilise la photographie, ses techniques, sa chimie, son support, sa valeur d’empreinte. Pourtant, Jean-Philippe Baert n’est ni vidéaste, ni vraiment photographe, plutôt une sorte d’archéologue qui traque et ausculte les indices laissés par une civilisation disparue.

Jean-Philippe Baert produit lui-même ses preuves par un procédé singulier, mis au point il y a une dizaine d’années, qui confronte la vidéo, par l’intermédiaire de l’écran de télévision, d’ordinateur ou même du téléphone portable, et les techniques d’enregistrement de la photographie argentique.
Reproduisant les conditions d’un labo-photo, il recouvre un écran d’un papier photosensible pendant quelques secondes, le plonge dans un bain de révélateur puis de fixateur afin de faire apparaître l’empreinte floue laissée par le balayage incessant des électrons. Il prend ainsi la photographie au pied de la lettre : écrire avec la lumière.
En variant les temps d’exposition, il réalise des séries de portraits de présentateurs télé, de journalistes du 20h, qu’il juxtapose parfois à la séquence vidéo d’origine montée en boucle sur VHS.
Par le contour évanescent et l’abstraction de ses formes, l’empreinte produite par Jean-Philippe Baert ne témoigne pas en faveur de la valeur analogique de la photographie, de sa capacité à produire du réel, mais permet de confronter au sein d’une même image les temps photographique et télévisuel, d’interroger les rapports qu’entretiennent nos perceptions avec les technologies de l’information et de la communication.

Il réalise également d’autres types d’empreintes au cours de performances publiques : en frottant longitudinalement un écran sur une feuille photographique de plusieurs mètres, il obtient une grande trainée, sorte de sécrétions de l’écran.

Plein de réminiscences, le travail photographique de Jean-Philippe Baert recouvre une aura fantomatique, qui semble autant interroger la dépossession du regard du spectateur que la disparition d’un certain mode de production et de diffusion des images confronté à la technologie numérique.

Jean-Philippe Baert
— Traces TV, 2006. Tirage argentique. 49 x 159 cm.
— Rapt TV, 2006. Tirage argentique. 49 x 45 cm.
— L’Otan déclare la guerre à la Serbie 24.3.1999, 1999. Tirage argentique. 39,5 x 50,5 cm.
— Prototype, de la série « Persistance », 2000. Dispositif vidéo et contact photographique d’écran. 50 x 50 x 50 cm
— Paysage audiovisuel, 1999. Contact photographique d’écran. 49 x 160 cm

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