Avec Perfect Stranger, son exposition chez Almine Rech, Hedi Slimane poursuit son exploration de l’iconographie rock. Mais contrairement à ses interventions passées, où la plupart du temps il restait campé dans un fétichisme de la scène, sa grammaire tend ici à s’épaissir, à plonger dans une forme d’abstraction plus subtile, et plus rare.
Il prend d’ailleurs le parti d’en montrer peu. Peu mais dans des dimensions respectables. Au rez-de-chaussée, cinq pièces se partagent l’espace dont l’imposant Perfect Stranger (oeuvre éponyme et/ou hommage discret à l’album de Frank Zappa), une installation sonore et lumineuse matérialisée par deux puissants écouteurs suspendus au-dessus d’un tapis de poudre de glitter.
Dans le prolongement, Hedi Slimane affiche son ultime concession au fétichisme avec Stage 01, le fragment usé d’une scène foulée par l’incontournable Amy Winehouse.
A l’étage, il rejoue la même distribution de l’espace entre une installation labyrinthe (Smoke Machine et Klaxons) et des photographies de grands formats.
Dans l’ensemble de ces travaux, le noir et blanc revient comme une constante implacable. Un langage, même, que Hedi Slimane éloigne d’une simple question de style.
Le noir et blanc implique chez lui quelque chose de plus vaste, à la naissance de son écriture, un jeu de séquences aussi bien mentales que physiques. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ici des corridors obscurs (qu’y-a-t-il de plus palpable pour évoquer les méandres du cerveau?) et au bout, la lumière qui surgit par intermittence (Klaxons) ou n’apparaît qu’à la lueur de volutes de fumée vidéoprojetées (Smoke Machine).
Dans d’autres situations, ce sont les horizontales, métaphores déguisées de la scène, qui suppléent à la structure. On les emprunte (Poster 01/Fire ou la série de photographies Crash Barrier installée sur des piétements métalliques), on les parcourt (Perfect Stranger), on les embrasse du regard.
Le noir et blanc conduit bien entendu de l’ombre à la lumière et, dans un jeu d’aller-retour sans fin, de la nuit au jour, du grave au léger. Peut-être même pour un Hedi Slimane très attaché au sublime et à l’introspection, du baroque au romantisme. Car chez lui la dualité renvoie à une autre forme de conflit, cette fois-ci plus intime.
Et ce sont ses portraits qui en parlent le mieux : Hedi Slimane y montre une jeunesse d’aujourd’hui au sortir des concerts rock, entre désinvolture et désenchantement, quête d’identité et rattachement au groupe. Une posture complexe pour faire face au monde, celle du «Perfect Stranger» finalement.
Hedi Slimane
— Perfect Stranger (concert des Klaxons / Benicassim, Juillet 2007), 2007. Installation sonore, aluminium epoxy noir et poudre de glitter.
— Perfect Stranger, 2007. Néon blanc, aluminium epoxy noir.
— Stage 01 / Fragments de la scène d’Amy Winehouse, Paris, Octobre 2007, 2007. Contreplaqué, peinture de scène noire
— Crash Barrier (série Crash 01/05), 2007. Print sur aluminium.
— Fire (Poster 01 / Benicassim, Juillet 2007), 2007. Impression sur toile.
— Backstage (Poster 02 / Londres), 2007. Impression sur toile.
— Fan with a cigarette (Poster 03 / Benicassim, Juillet 2007), 2007. Impression sur toile.
— Smoke Machine (concert des Klaxons / Benicassim, Juillet 2007), 2007. Video projection, laque noire.
— Klaxons (Conservations / Londres, Décembre 2006), 2007. Octo barré, laque noire.