Performeur catalan, Pere Faura cultive une création conjuguant danse, théâtre et (auto)dérision. Un humour qui enveloppe sa critique, tout aussi solide, des objets dont il s’empare. Avec la danse et la performance comme outil d’analyse, Pere Faura scrute ainsi les mécaniques du mouvement — autant physiques qu’émotionnelles. Dans Sin baile no hay paraiso [Pas de danse, pas de paradis – Ma propre histoire de la danse] (2014), Pere Faura proposait ainsi une relecture très personnelle de l’histoire chorégraphique. Tandis qu’avec Sweet Tyranny (2017), c’était la fièvre du Disco qui aiguisait ses appétits de déconstruction. Performance antérieure, Striptease (2008) prend les traits d’un solo érotisant. Un solo presque double, car la figure envoûtante de Demi Moore y est omniprésente. Mécanique du désir, clairement sexuel, Striptease joue sur le fil du rasoir, entre art et fiction, entre théâtre et réalité.
Striptease de Pere Faura : une performance érotico-ironique
Avec Striptease, c’est la pulsion scopique et le plaisir du voyeur qui occupent le centre de la scène. Pour cette performance, Pere Faura s’est ainsi inspiré du jeu sensuel de l’actrice Demi Moore, dans le film Striptease (Andrew Bergman, 1996). Costume, cravate, Borsalino, talons aiguilles et bas noirs… Demi Moore y pratique un effeuillage aussi sulfureux que musclé. Ressuscitant presque l’Aphrodite originelle : autant déesse de l’amour que de la guerre. Et ce trouble du genre, cette virilité si féminine, Pere Faura s’en empare, la retourne, l’ausculte. Ce pourrait être une grossière caricature, mais Striptease est plus que cela. Veste, chemise, cravate, Borsalino… Quoi de plus normal pour un homme ? Mais Pere Faura danse la danse de Demi Moore, et tout bascule. Car c’est la danse sensuelle (la parade nuptiale ?) d’un homme, qui imite une femme, qui imite un homme… Et les lignes se brouillent.
Striptease : une exploration / déconstruction de ce qui fait le piment du spectacle érotique
Avec Striptease, Pere Faura opère une plongée dans la mécanique du plaisir par le spectacle. Que viennent chercher les spectateurs d’un striptease ? D’un spectacle nommé Striptease ? Plaisir à la fois coupable et culturellement respecté — certains cabarets de striptease relèvent même du divertissement très haut de gamme — : d’où vient son attrait magnétique, sa tension hypnotique ? Tient-elle à ce jeu de maîtrise, où chacun se doit de tenir fermement la bride de ses propres pulsions ? Explorant le phénomène, Pere Faura livre une conférence en mots comme en actes. Il s’appuie sur des textes d’études anthropologiques consacrées au sujet, tout en s’inspirant de Demi Moore pour illustrer le propos. Le tout, en se filmant, en filmant le public, et en poussant ainsi le jeu des regards à son paroxysme. Mais sans jamais oublier de préserver, pour tout le monde, une sortie de secours : l’ironie.