Penser l’image II

Présentation
Emmanuel Alloa
Penser l’image II

Ces dernières années ont été le théâtre d’une étonnante résurgence de la question anthropologique. Parmi les propositions les plus débattues, il y a eu celle qui consisterait à penser l’homme non pas comme un animal doué de langage, mais avant tout comme un homo pictor ou encore comme un homo spectator, capable de produire et de reconnaître ses propres images.

Si entre-temps, cette idée d’une anthropologie par l’image a permis d’inaugurer des nouveaux domaines de recherche, comme l’anthropologie visuelle, celle-ci relève cependant d’une histoire déjà plus ancienne dont cet ouvrage livre quelques clés. Entre ceux qui considèrent que les images sont le reflet exact de l’homme et ceux qui, au contraire, sont d’avis que les artefacts visuels mènent une vie dont les raisons échappent à la logique anthropocentrique, se dessinent aujourd’hui les lignes de front de ce qui s’apparente à une nouvelle querelle de l’image.

Avec les textes de: Emmanuel Alloa, Vilém Flusser, Hans Jonas, Andrea Pinotti, Philippe Descola, Carlo Severi, David Freedberg, Bruno Latour, Jan Assmann, James Elkins.

«D’une part, l’écriture est capable d’enregistrer un acte communicationnel lors duquel A parlera à B, mais, d’autre part, elle peut également constituer un acte de communication lors duquel A se confiera à un nombre indéterminé de lecteurs B. Tantôt, nous avons affaire à la notation subsidiaire d’un événement communicationnel dont l’espace-temps est situé, tantôt à l’écriture en tant qu’elle-même donne son départ à l’événement de langage: c’est par l’écriture et en elle qu’il se réalise. L’enregistrement d’échanges oraux n’est au fond qu’une application spéciale de l’écriture qui ne développe sa véritable puissance que dès lors qu’elle joue un rôle constitutif. Dans ce cas, le texte se substitue au locuteur et donne ainsi lieu à un acte de langage. Ou, plus exactement: à un acte d’usage du langage tout à fait singulier, puisque cette fois, la présence corporelle n’est pas requise: la situation exige purement et simplement la présence matérielle d’un texte, sous la forme d’une inscription par exemple. L’acte de langage n’existe ici qu’en vertu de l’inscription. Par conséquent, l’inscription n’est pas subordonnée à telle ou telle forme d’agir social dont elle ne serait qu’un enregistrement après-coup: elle constitue un agir social à part entière.

À mes yeux, l’image possède une structure analogue à celle de l’inscription et doit être elle aussi considérée comme une forme de l’agir social. De même que l’inscription actualise un sens articulé dans la langue, l’image actualise l’articulation graphique, picturale, plastique ou architecturale d’un sens. Or si le sens dont sont investis textes et images ne se réalise jamais qu’en vertu d’un cadre, il se trouve que tous deux partagent cette particularité que la situation dans laquelle ils interviennent possède une dimension temporelle distendue.

D’ici, il n’y a qu’un petit pas vers ce que j’aimerais désigner comme un «acte d’image», par analogie, bien sûr, avec le concept d’«acte de langage» qu’ont développé Austin et Searle.» (Jan Assmann)

Sommaire
— Anthropologiser le visuel?, par Emmanuel Alloa
— L’image-calcul. Pour une nouvelle imagination, par Vilém flusser
— La liberté par l’image. Homo Pictor et la différence de l’homme, par Hans Jonas
— Le regard pontife. L’histoire des images à l’épreuve de la morphologie, Andrea Pinotti
— Le masque de Warburg: une étude sur l’idolâtrie, par David Freedberg
— La double vie des images, par Philippe Descola
— Mémoire-récit et image-mémoire. Sur la représentation des Blancs dans la tradition chamanique kuna, par Carlo Severi
— Le pouvoir des images. De la performativité des images en Égypte ancienne, Jan Assmann
— Les «vues» de l’esprit. Une introduction à l’anthropologie des sciences et des techniques, Bruno Latour
— Désoccidentaliser la pensée du visuel. Les concepts d’image en Chine, en Perse et en Inde, par par James Elkins
— Les auteurs
— Index des noms
— Liste des illustrations