Pendant la lecture

Présentation
Gerard Unger
Pendant la lecture

Que se passe-t-il pendant qu’on lit? Gerard Unger étudie dans cet ouvrage ce qui se produit pendant la lecture — devant nos yeux et à l’intérieur de nous. Selon lui, les concepteurs devraient en toutes circonstances considérer deux questions essentielles: dans quelle mesure les lecteurs possèdent-ils une connaissance enfouie de la typographie? Comment est-il possible de lire sans voir la lettre? À partir de ces deux questions de fond, Gerard Unger explore des sujets comme la lisibilité, le processus de lecture, la typographie «invisible», la reconnaissance du motif, l’ergonomie du dessin de la lettre, l’univers des signes, les contreformes et les illusions typographiques.
Il distille tout au long de l’ouvrage plusieurs années d’expérience dans un texte ouvert, ne s’adressant pas aux seuls spécialistes et reflétant la diversité de ses propres projets – du dessin de caractères typographiques (pour le quotidien USA Today notamment) à la conception de la signalétique pour les autoroutes des Pays-Bas.

Les typographes et designers les plus expérimentés retireront bonheur et avantage de cette lecture, tout autant que les débutants et curieux qui s’interrogent sur le processus même de l’acte de lire.

Traduit du néerlandais par André Verkeren. Traduction avec le concours du Centre national du livre et publié avec le soutien de la région Ile-de-France.

«Du temps de mes études déjà, j’ai désiré savoir comment on lisait et comment il était possible de proposer aux lecteurs des caractères et une typographie de meilleure qualité. C’est dans ce contexte que j’ai découvert une chose fascinante: la plupart des individus lisent sans reconnaître les lettres de manière consciente. Un après-midi, je me suis posté à un carrefour très fréquenté d’Amsterdam, à un jet de pierre de l’entrée principale du zoo, pour y mener une enquête.

Je demandais aux passants s’ils se souvenaient du dernier texte imprimé qu’ils avaient lu et de dessiner les formes du “a” et du “g” qui figuraient sur cet objet. La plupart dessinaient des lettres manuscrites plutôt que des caractères d’imprimerie, des lettres majuscules ou des graphies simples dans lesquelles le “a” et le “g” n’ont qu’une seule contreforme. Seules quelques rares personnes furent capables de reproduire les versions complexes telles le “a” composé de deux niveaux et le “g” de trois. Nulle trace des détails des lettres telles les différences entre gras et maigre, l’ouverture ou la fermeture du jambage du “g”, la taille de la panse du “a”.

De tout ce dont nous nous servons quotidiennement, les lettres sont peut-être ce que nous utilisons le plus inconsciemment. La plupart d’entre nous en font un emploi aussi intensif qu’intime, ce qui signifie que les lecteurs possèdent de façon involontaire de vastes connaissances typographiques. Rare sont ceux qui ont un accès direct à ces connaissances alors qu’ils les utilisent pendant la lecture. Pour une personne qui n’a pas appris à reconnaître et à designer des caractères typographiques ou des parties de lettres, contrairement aux typographes, ces connaissances restent en quelque sorte sous scellé. L’incapacité de la plupart des lecteurs de verbaliser leur connaissance profonde des lettres et de la typographie a pu laisser croire, par exemple, que les lecteurs ne partageaient pas l’enthousiasme des typographes pour les caractères typographiques et les différences subtiles qui peuvent les distinguer les uns des autres. Pour ainsi dire personne n’est capable de se souvenir des caractères typographiques qui composaient un livre récemment lu.»

Sommaire
— Questions
— Théoriques pratiques
— Oppositions
— L’effacement des caractères
— Apparences
— Le processus
— Fragments
— Convention
— Les yeux du lecteur
— Dessiner des caractères
— Dressage
— Inhabituel
— Regarder et lire
— Choix
— Espace
— Illusions
— Journaux et empattements
— Répertoire
— Symbiose
— Lire