René Caussanel
Peintures et dessins 2008-2009
L’exposition présente de grandes peintures et des dessins, réalisés par René Caussanel au cours des deux dernières années, dans le nouvel atelier de La Capelle Balaguier. René Caussanel intègre début 2008 ce vaste espace tout neuf et lumineux qui jouxte aujourd’hui la maison d’habitation. Les deux années précédentes, l’artiste ne disposait d’aucun espace spécifique pour travailler. Il s’était donc contraint à des travaux de petites dimensions. Mais, dès que s’ouvre l’espace, son travail se déploie. D’abord mesuré dans le choix de la surface à peindre, René Caussanel va très vite prendre l’amplitude de cet espace à investir.
Les formats vont grandissant de 2 x 2 m, puis 2 x 4m, 2 x 6m et jusqu’aux limites imposées par la paroi de l’atelier. La disposition des motifs est d’abord réalisée au sol par juxtaposition de plusieurs lès de papier où l’artiste dessine à grands traits.
Chacun des éléments est ensuite travaillé à la table pour une appréhension plus précise de la matière couleur. Celle-ci se compose par recouvrement successif de jus de gouache: aucune couleur n’est jamais donnée à priori, mais elle est faite de conjugaisons complexes, de strates brassées qui font qu’un blanc est tout sauf blanc: il est à la fois rouge et bleu, un vert est en même temps noir et jaune…
Les déclinaisons sont infinies et à y regarder de plus près, la teneur monochrome du tableau est engloutie dans un océan d’accidents qui n’a rien à voir avec l’aplat d’une surface.
Les oeuvres s’articulent en série, jusqu’à ce que le bras tombe d’épuisement. L’artiste est un dessinateur hors pair. Il faut dire qu’il pratique cet art avec constance, voir excès depuis l’âge précoce de cinq ans. Le principe de la répétition du geste et des motifs (corps, arums, animaux, bols…) raconte des fragments d’histoire, une mémoire en morceaux.
Ces lambeaux de vie rassemblés, proprement raccommodés, couturés dans l’espace du tableau imposent la mobilité au spectateur. Les allers-retours, du proche au lointain, jouent des complicités avec Bonnard, des conflits avec Matisse, des visites aux icônes de la Renaissance pour tenir le fil ténu de la vie basculée de l’enfance à l’âge d’homme.
L’image peinte donne à voir ce syncrétisme assumé: il y a toujours des jeux enthousiastes de rebonds et de chutes dans l’espace du tableau où la main du peintre guide jusqu’au vertige un voyage mental dans la peinture.
Au-delà des genres, des cadres et des histoires, l’artiste affirme une posture inquiète, un équilibre fragile des formes suspendues à un monde en chantier, qu’il lui faut chaque jour reconstruire autrement, pour lequel chaque jour il invente de nouvelles hybridations entre la vitalité du quotidien et la pesanteur du réel, avec la même énergie arrachée aux rêves et aux cauchemars.