Yvan Theys
Peintures et dessins
Yvan Theys a développé une peinture figurative expressionniste dans laquelle il insérait éléments abstraits et signes géométriques, d’une manière qui lui est propre. Son œuvre, proche de la nouvelle figuration, n’entre dans aucun courant précis. On peut néanmoins trouver de nombreuses références dans son travail comme celles du mouvement CoBrA dont il était proche, ainsi que des éléments se référant au Bauhaus ou aux pointillismes. Il s’inspirait de son quotidien et des images qui l’entouraient.
Yvan Theys fut proche de Rainier Lucassen, Alfons Freymuth, Roger Raveel, Eugène Leroy et Eugène Dodeigne. Il a aussi marqué le regard de nombreux architectes et plasticiens qui fréquentèrent son atelier de Saint Luc Tournai: Thierry Diers, Eric Dossin, François Dumoulin, Marc Dutoit, Jean-Michel Wilmotte.
«On connaît Yvan Theys de longue date. La synthèse si personnelle que son œuvre opère entre la figuration et la géométrisation du tableau, entre la charge affective, violente, que véhiculent ces couples «en situation» et leur rigoureuse mise en espace, n’a pas fini de porter ses fruits ni de séduire les amateurs. Ils voient en lui, à juste titre, l’héritier d’un certain cubisme et de l’expressionnisme allemand ou, si l’on préfère les références strictement contemporaines, un homologue de Markus Lüpertz avec qui il a en commun cette manière de faire signe à l’expressionnisme, au Picasso des débuts, aux arts premiers et de les prolonger d’une écriture différente.
Curieusement, et bien que courtraisien d’origine, il est plus éloigné par l’esprit et la pratique de l’expressionnisme flamand, de la rusticité toujours un peu naïve et populaire de célèbre mouvement. Menant bel et bien une réflexion sur le passé tout en s’interdisant la moindre nostalgie, Theys prend appui sur elle pour réaffirmer avec une certaine virulence et une belle sonorité dans les accents plastiques, la nécessité du style. Le style, non dans ce qu’il peut avoir de formaliste, de restrictif et finalement de commode, mais comme couronnement de la mise en espace sans compromis que l’artiste réalise de sa vision du monde.
Yvan Theys tranche ainsi de son écriture ample et rythmée sur une fin de siècle qui continue de balancer entre les effacements d’un minimalisme mille fois reconduit et les pirouettes fatiguées du non-art. Mais en artiste bien d’aujourd’hui, il sait aussi ne pas forcer sur le lyrisme ni tomber dans les pièges de la virtuosité et de l’esthétisme.
Pliant le contenu de ses œuvres aux lois d’un langage plastique, très exigeant, il est attentif tantôt aux tendres subtilités d’une patine tantôt à la puissance expressive d’une construction ou d’une articulation.
Ainsi joue-t-il merveilleusement des tensions entre le vide et le plein, entre les tonalités claires, parfois vives, et les noirs, et surtout entre les pulsions presque érotisées de ce rythme plastique — obsédant comme une musique de jazz — et le cadre abstrait dans lequel elles se déploient. Il interdit de cette façon toute fixation excessive sur le contenu narratif de l’image et reporte l’intérêt de l’œuvre sur la manière dont elle scande l’espace et la transfigure.
Ecriture souple aux envols très contrôlés, canevas à géométrie variable, ils expliquent que l’artiste puisse passer avec le même bonheur du tableau à la sculpture au relief. Une même et ample respiration conditionne les différents temps de l’exposition, qu’il s’agisse des sculptures façonnées dans la masse (les poutres) ou des assemblages de découpes.
Les poutres sont particulièrement belles, intenses et exemplaires de sa manière de faire. Dans le cadre formel d’épais tronçons de bois travaillés par la gouge et le couteau, des figures souffrantes et comme endolories, membres collés au corps, paraissent livrer, avec le matériau, une bataille sans merci. Une extraordinaire tension due à cet effet de compression met en valeur la qualité d’un travail aussi pictural que sculptural. Mais les découpes assemblées en reliefs ou en sculptures plus monumentales ne sont pas moins belles, joignant toujours aux valeurs émotives cette justesse de mouvement dans l’espace…» Danièle Gillemon, Le Soir, mai 1994.