A l’image de Vumètres, des blocs noirs flottent à la surface des murs de la galerie. Serrés, symétriques, en dénivelés, ou glissants hors de la toile, ces bandes sobres sont surtout l‘empreinte d‘un processus particulier et ritualisé. Cette nouvelle exposition chez Jean Brolly vise donc à mettre en avant un processus de production et l’aura des matériaux d‘un peintre coréen méconnu en France.
Hyong-Kuen Yun applique sur ses grands formats, par couches successives, des pigments noirs qui sont bus par la toile. Il trace d’épaisses bandes verticales noires selon une logique calligraphique. Il s’agirait donc d’une écriture en gros plan, de la taille d’un paysage, qui composerait une tectonique d’écarts et de rapprochements. Ce travail joue de façon musicale et rythmique, comme souvent avec la peinture abstraite : dénivelés et glissements, symétries et déséquilibres progressifs naissent sur les toiles et entre elles, grâce à la proximité des divers formats et des variantes de formes répétées.
Le peintre joue avec la liquidité de la peinture et avec sa nature instable à la rencontre de son support. Le bleu outremer se dilue dans l’ambre brûlé, entre noir profond et reflets turquoises. L’artiste laisse devenir les matériaux, le grain de la toile et de la peinture s’interpénètrent sans souci de finition contrôlée, ce qui confère une vie aléatoire aux contours des masses noires. Les formes ne sont ni des masses ni des rectangles à proprement parler, elles sont les résultats de gestes automatiques qui ne donnent à voir que leur empreinte.
Hyong-Kuen Yun a peint debout, la toile posée au sol. Il l’a recouverte de peinture au moyen d’une brosse à long manche. La toile en lin écru, de la couleur des cordages, est sans autre préparation que des délimitations à l’adhésif blanc. Hyong-Kuen Yun marche donc devant et à coté de la toile. Il manipule les pigments fortement dilués dans l’huile, il les voit être lentement absorbés par la toile. On sent l’importance du geste dans ces œuvres. On devine la concentration et la tension corporelle. Le geste est tendu vers le traitement de la matière peinte, sans souci de faire image.
Cette démarche vient buter contre notre propension toute postmoderne à voir dans ces toiles des images. Portes ou écrans, ces résidus figuraux leur donne une forte dimension spirituelle ou mystique, comme chez Rothko ou Klein. Mais on pourra leur trouver d’autres filiations avec les grands dessins noirs de Richard Serra ou certaines compositions de Martin Barré.
La démarche renvoie plus volontiers au premier Soulage des années 50-60, à la suite de l’abstraction lyrique dont témoignent ici deux petits formats de 1972.
La présence de Hyong-Kuen Yun chez Jean Brolly dessine une fraternité avec d’autres artistes de la galerie, tels que Nicolas Chardon ou Bernard Aubertin, et souligne chez lui la force d’affirmation d’un geste humble, minimal et concentré sur lui-même.
Traducciòn española : Santiago Borja
Hyong-Keun Yun
— Burnt Umber & ultramarine n° 212, 2002. Huile sur toile. 195 x 97 cm.
— Burnt Umber & ultramarine, 1992. Huile sur toile. 60,5 x 80 cm.
— Burnt Umber & ultramarine n° 210, 2002. Huile sur toile. 130 x 195 cm.
— Burnt Umber & ultramarine n° 222, 2002. Huile sur toile. 162 x 162 cm.
— Burnt Umber & ultramarine n° 204, 2002. Huile sur toile. 162 x 227 cm.
— Sans titre, 1972. Huile sur toile. 24 x 33,5 cm.
— Sans titre, 1970. Huile sur toile. 43 x 37,5 cm.
— Burnt Umber & ultramarine n° 206, 2002. Huile sur toile. 227 x 145 cm.
— Burnt Umber & ultramarine, 1994-97. Huile sur toile. 33 x 53 cm .
— Burnt Umber & ultramarine n° 207, 2002. Huile sur toile. 182 x 227 cm.