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Peinture, dessin, aquarelle 2010

PLeïla Elyaakabi
@05 Avr 2011

Dans son exposition «Habeas Corpus» à la galerie Métropolis, Domitille Ortès évoque, par la peinture et la photographie, les transformations physique et mentale d'une jeune modèle pré-adolescente, un être en devenir, en repoussant les limites de la représentation artistique de l'enfant.

Par le dessin, la photographie, et la peinture, Domitille Ortès évoque une jeune fille entre l’enfance et l’adolescence en la mettant en scène dans des postures insolites qui vont à l’encontre des conventions des adultes. Le thème du passage de l’enfance à l’âge adulte, qui touche à l’expérience de chacun, est aussi une question d’actualité amplement abordée dans les médias.

Domitille Ortès s’attache aux expérimentations d’une pré-adolescente qui est à la découvre de sa sexualité naissante. Alors qu’une enfant continue à jouer avec sa poupée et ses élastiques, le rôle du jouet se trouble. La poupée ne lui sert plus seulement à imiter sa mère, mais à explorer sa propre identité sexuelle.
Dans plusieurs tableaux, la jeune fille entretient un rapport fusionnel avec son bébé en caoutchouc qu’elle tient dans ses bas. Ses collants en nylon deviennent la seconde peau d’un corps en mutation, et se font, dans Les Bas, les prolongements des membres. Ces collants sont, avec les soutiens-gorge, les premiers accessoires de femme que la jeune fille porte fièrement mais avec une touchante maladresse.

Dans plusieurs tableaux, Baby Blues par exemple, la fillette serre sa poupée en caoutchouc contre son ventre, au contact de son pubis qui désigne sa sexualité potentielle. Dans les tableaux Adam et Eve, les membres de la poupée sont placés de façon à suggérer un sexe masculin ou féminin.

Domitille Ortès pousse les limites de la représentation enfantine jusqu’à l’univers porno chic, tout en conservant la délicatesse de son trait et la douceur de sa palette chromatique. Une pose séductrice des jambes et des hanches, et certains actes masochistes rappellent l’esthétique de certains magazines de mode, dans lesquels s’opère une confusion des rôles entre la mode, qui emploie l’apparence ingénue les jeunes modèles, et ceux-ci qui imitent les poses des mannequins en vogue…

En outre, Domitille Ortès met en scène certains des jeux imprudents des pré-adolescents au travers d’une série de photographies dans laquelle la jeune fille manipule des sacs en plastique de façon à suggérer l’étouffement ou l’étranglement.

Dans Identité face et Identité profil, le visage de la fillette est ligoté à sa poupée au moyen d’un élastique. Prisonnière de ce bondage, son regard mi-inquiet mi-inconscient trahit un désarroi, et son visage morcelé par ce fil élastique semble exprimer les influences contradictoires de son identité. Dans ces tableaux, son visage est toujours partiellement caché, derrière ses longs cheveux blonds et lisses, entre ses mains, ou carrément hors du cadre.

Sur les photographies ou sur les toiles, la jeune fille est toujours représentée sur fond blanc, pour concentrer l’attention sur sa singularité qu’elle exprime en adoptant des comportements extrêmes, plus ou moins adroits, avant de tomber en larmes dans Pleurs.

Happy Birthday évoque la distance qui sépare la mère de la fille. Apprêtée jusqu’au bout des ongles, une mère joue le jeu de l’anniversaire en soufflant les bougies de l’enfant qui boude la fête, les bras croisés. Cette mise en scène du rituel familial fait manifestement plus plaisir aux adultes qu’à l’enfant. Dans cet unique tableau où figure l’adulte, c’est une césure et une inversion des rôles qui le sépare du monde de l’enfance.

— Domitille Ortès, Les Bas, 2010. Acrylique sur toile
— Domitille Ortès, Adam et Eve, 2010. Acrylique sur toile
— Domitille Ortès, Identité profil, 2010. Acrylique sur toile
— Domitille Ortès, Identité face, 2010. Acrylique sur toile
— Domitille Ortès, Happy Birthday, 2010. Acrylique sur toile

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