L’exposition « Paysages français. Une aventure photographique, 1984-2017 » à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, propose un vaste regard sur l’évolution du paysage français à travers les œuvres de plus de cent soixante photographes.
L’histoire des paysages français et celle de la photographie en France
L’exposition réunit un millier de photographies de paysage réalisées au cours de quatre décennies dans le cadre de grandes missions financées par l’État ou par des collectifs d’artistes privés. Elle reflète donc à la fois l’histoire récente des paysages français et celle de la photographie en France. La physionomie de la France a en effet beaucoup changé depuis les années 1980, autant que le regard que les photographes porte sur elle s’est modifié.
Le parcours prend la forme d’une promenade à travers le temps, développant les modes de perception et de captation du paysage propre à chaque décennie. Il montre comment la photographie de paysage est passée du goût pour le pittoresque à d’autres thèmes comme la célébration de l’ordinaire et sa transfiguration ou la transformation de nature par l’homme.
La France vue par Robert Doisneau, Albert Giordan, Sabine Delcour, Bernard Plossu…
Le titre de la première partie, « L’expérience du paysage », reprend l’expression utilisée dans les années 1980 par les directeurs de La Mission photographique de la DATAR, une commande publique de photographies lancée en 1984 par la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’action régionale. Cette mission, qui devait durer un an se prolongea quatre ans et réunit vingt-neuf photographes français et étrangers, devint une référence majeure dans l’histoire de la photographie de paysage en France. Son enjeu était d’offrir une expérience singulière à chaque photographe qui se confrontait, dans une grande liberté de création, au paysage.
Les tours de la Porte de Bagnolet, photographiées par Robert Doisneau pour la série Banlieue d’aujourd’hui, dans les banlieues et villes nouvelles de la région parisienne, la Série Espaces commerciaux d’Albert Giordan où l’architecture devient abstraction géométrique, ou encore le paysage montagneux des Alpes-de-Haute-Provence vu par Sophie Ristelhueber pour la série Ouvrages d’art et paysage en montagnes témoignent d’un ensemble qui constitue une synthèse des interrogations de l’époque sur le paysage et ses mutations.
De l’expérience du paysage à l’être au paysage
Les années 1990 nous font entrer dans « Le temps du paysage » : les photographies réalisées par Michael Kenna, Harry Gruyaert ou Sabine Delcour pour le Conservatoire du Littoral valorisent un paysage devenu patrimoine, de la série L’Archipel de Chausey à la série Delta de la Leyre. Les travaux d’Anne-Marie Filaire et Thierry Girard pour l’Observatoire photographique national du paysage et ceux réalisés par Bernard Plossu dans le cadre du chantier du Tunnel sous la Manche rendent compte quant à eux de l’aspect changeant du paysage.
La troisième partie, « Le paysage comme style », réunit des photographies d’Alex Jordan et André Lejarre, de Stéphane Couturier, Jürgen Nefzger ou encore Thibaut Cuisset qui illustrent comment, dans les années 2000, la topographie devient un élément créatif à part entière, parfois jusqu’à l’exercice de style. Enfin, les photographies plus intimes d’Elina Brotherus, Thibaut Brunet et Fred Delangle, membres du collectif France(s) Territoire Liquide, montrent un paysage photographié non plus comme un espace à décrire mais à habiter. Depuis le début des années 2010 s’affirme la place de L’être au paysage.
Voir également
— Paysages photographiques : réinventer le réel
— France augmentée