Dans A Journey That Wasn’t, un orchestre symphonique, installé sur une patinoire de Central Park, joue la topographie d’une île inconnue, née de la fonte des banquises, qui provoque une superposition de glaciers par transparence semblable à des origamis de papier, sous le regard attentif d’un public réuni en une sorte de communauté postcyberpunk.
La lumière et la brume épaisse permettent l’accumulation de ces formes d’où jaillissent les scènes oniriques d’un déplacement vers l’Antarctique. Deux lieux à fortes connotations.
Central Park abondent les images communes d’un grand espace vert préservé, entouré d’une forteresse de gratte-ciels dominant la cime des arbres de plusieurs dizaines de mètres. Sur ce point, Pierre Huyghe se réfère plutôt à la faculté du paysage new-yorkais d’inspirer de nombreux récits d’anticipation, par les aspects futuristes de son architecture porteuse d’une ombre sur l’homme et la nature.
L’Antartique renvoie aux effets climatiques sur un continent tragiquement beau qui déborde nos capacités d’imagination, tant par sa situation géographique que par ses conditions d’accès — seules aujourd’hui les activités scientifiques sont autorisées à y séjourner.
De son embarcation, Pierre Huyghe conserve les aspects dématérialisés d’un espace chargé d’une énergie à la fois hostile et paisible.
Le film est caractéristique d’une articulation entre l’art et la science qui est abordée au travers d’une histoire ni totalement réelle, ni totalement fictionnelle.
Trois hommes, tous vêtus de la même combinaison, marchent à la manière de Neil Armstrong foulant la Lune. Ils sont déboussolés dans un cadre sans ligne de fuite, dans un temps suspendu et dans un espace interplanétaire.
Ils naviguent à bord du voilier polaire de Jean-Louis Etienne contre les murs de glace de l’océan austral.
Depuis 2003, ce voilier est baptisé Tara, et contribue à la sensibilisation des citoyens du monde sur l’importance de l’équilibre écologique de la planète.
Un spot lumineux émet des signes de reconnaissance afin d’attirer l’étrange créature sensée être seule à habiter cette fameuse île non cartographiée. Il s’agit d’un pingouin albinos, dont le déplacement en retour, de l’Antarctique à Central Park, provient vraisemblablement d’un processus mental dû au montage parallèle.
Le plan fixe sur l’iceberg pourrait bien être une traduction visuelle des topos freudiens, où l’inconscient est la partie immergée de la conscience. Pierre Huyghe intensifie ce phénomène perceptif à travers un registre allusif et compose, avec A Journey That Wasn’t, un conte d’une inquiétante étrangeté.
— A Journey That Wasn’t, 2006
. Film Super 16 mm et HD transféré sur video HD, couleur, son. 21 mn 43. 
Production Anna Sanders Films et Galerie Marian Goodman