Paysages de l’adriatique

Nikola Basic
Paysages de l’adriatique

Sur la scène contemporaine croate, Nikola Basic, formé à Sarajevo, tient une place particulière: en dehors des courants et des modes, il invente, il revisite. Baignés dans la culture adriatique, ses projets révèlent un véritable attachement au contexte de l’archipel dalmate. Son travail puise ainsi ses racines dans une culture locale fortement imprégnée de savoir-faire artisanal. Aux antipodes de toute manipulation informatique et autre morphing, ses projets sont dessinés à la main et mis en œuvre de la même manière. Pour autant, Nikola Basic n’a rien d’un technophobe mais il prend goût à nous démontrer les bienfaits du low-tech, en ayant recours à la filière pierre dont il fait sa matière de prédilection. Les trois projets présentés dans cette exposition en donnent trois déclinaisons.

À Zadar, l’intervention sur l’espace public s’inscrit dans une approche minimaliste. Le lieu est dessiné, conçu pour une célébration du coucher du soleil dans un concert permanent. En imaginant cet Orgue de mer avec 35 tubes invisibles, Nikola Basic ne fait pas un geste d’architecte mais utilise le va- et-vient incessant de la mer pour instaurer un spectacle musical. À la tombée de la nuit, tandis que la pierre réverbère la chaleur, le spectacle se dédouble lorsque les capteurs solaires d’un grand disque de verre de 22 mètres de diamètre renvoient l’énergie accumulée, dans un concert de lumières cette fois. Toute cette scénographie a été imaginée par l’architecte, encouragé sans doute par Alfred Hitchcock, qui considérait le coucher du soleil à Zadar comme le plus beau du monde.

À Vodice, la chapelle construite au point culminant d’un mont est hautement sculpturale. La situation topographique, tout comme l’œuvre plasticienne, n’est pas sans rappeler la thématique portée par la chapelle de Ronchamp de Le Corbusier. Lancé dans la reconstruction d’une église détruite par les guerres, Nikola Basic s’empare du sommet du mont Okit pour ériger la chapelle Notre-Dame du Carmel suivant un plan qui s’enroule à la manière d’un nautile. Le mouvement spatial d’origine organique est pris dans l’enveloppe de pierre. Enveloppe extérieure comme intérieure, à l’image d’une abbaye romane.

Lauréat d’un concours pour la réalisation d’un mémorial aux soldats du feu qui ont péri en août 2007 dans un terrible et mystérieux incendie au cœur d’un désert de pierre, Nikola Basic a conçu au large de Zadar, dans le parc naturel, non un bâtiment, ni même un monument, mais un acte de land art à l’échelle de la tragédie. S’inspirant des murs de pierres sèches qui délimitent les pâtures des troupeaux d’ovins et de caprins, l’auteur colle au plus près du contexte, il s’interdit tout apport étranger à l’archipel. Il dessine un champ de croix géantes couchées à même la pente. Ce travail d’architecte s’accompagne d’un travail social. Nikola Basic a mobilisé la population avoisinante pour construire ces croix à la main. Près de trois mille bénévoles ont ainsi travaillé à ce projet, taillant les blocs sur place et appareillant les pierres suivant un tracé très précis.

Qu’il s’agisse du rite du coucher du soleil, du rite d’un pèlerinage religieux ou du rite du souvenir, l’architecte donne à découvrir ce fil conducteur qui traverse trois œuvres bien ancrées dans la culture et l’histoire locales. La pierre pour seule matière. La lumière de l’Adriatique fait le reste.