Il prétend incarner le « goût français » dans les arts et le design, le must du raffinement et de l’élégance, d’où son emplacement prestigieux, et désormais réservé, à l’Esplanade des Feuillants dans le Jardin des Tuileries. Nous lui trouvons plutôt un faux air de brocante, un peu trop clinquant pour être honnête. Malgré sa ribambelle de mécènes et de partenaires media ou institutionnels des plus variés, Moët Hennessy et HSBC en tête, le PAD reste une foire banale, dont la vocation mercantile se dissimule sous un masque de distinction.
Non pas que les soixante dix-neuf galeries exposantes soient totalement dénuées d’intérêt, mais elles ne se montrent pas sous leur plus beau visage, soignant leur plumage au détriment de leur ramage. Ici, le chic se réduit trop facilement au luxe, et le design aux matériaux nobles et aux pièces historiques. Le salon parisien flirte ainsi avec les Arts décoratifs comme si de rien n’était, surfant sur la tendance du retour de l’artisanat, du fait-main, du bel ouvrage de qualité ― celui qui demande du temps et de l’application au travail, deux valeurs refuges en ces temps précaires.
Du design en tant que tel, concept à l’appui, on en rencontre peu, ou pas des meilleurs. Quelques stands font néanmoins la différence. La Galerie de Sèvres, avec le vase Métro de Naoto Fukasawa par exemple, ne se contente pas de donner un coup de jeune à la céramique, mais offre à ce matériau désuet les conditions d’un renouvellement en profondeur. Chez Nextlevel, les lampes de Bina Baitel allient avec habileté la technologie, celle de la fibre optique, et un savoir-faire traditionnel, mis en valeur par le travail du cuir. Nous retrouvons également avec plaisir les designers de la Tools galerie, Oscar Zieta, Victoria Wilmotte ou Frédéric Ruyant ― même si les pièces présentées ne comptent pas parmi les plus intéressantes de la galerie ― et les Å“uvres de Mathieu Lehanneur, qui ponctuent tels des marqueurs rassurants le parcours, ici chez Perimeter (les jarres L’Âge du monde), ailleurs chez Carpenters Workshop Gallery (la Lampe Smoke).
Les collectionneurs de mobilier historique, eux, ne seront pas déçus, entre les superbes pièces de Charlotte Perriand chez Downtown F. Laffanour, la fine fleur du design scandinave du XXe siècle chez Dansk Møbelkunst, et quelques autres perles comme la lampe de table de Gae Aulenti, Rimorchiatore, mise en vente à 8000 euros sur le stand de la galerie BSL ― petite nouvelle du réseau parisien qui fêtera bientôt ses un an d’existence. Quant à ce fameux design « à la française », tant plébiscité, il pourrait revêtir les traits épurés de la lampe totémique en cristal de roche de Mattia Bonetti, Freezy, exposée par Cat-Berro. Restant à l’écart des modes, le designer suisse (!) conçoit un objet archétypal, à la fois intelligent et raffiné, en parfaite cohérence, pour le coup, avec la vocation du salon.
Naoto Fukasawa
― Vase Métro, création 2010. Porcelaine déclinée en 4 versions colorées : blanc, bleu de Sèvres, brun et vert. Cité de la céramique de Sèvres. 50 x 25 cm.
Mathieu Lehanneur
― L’Âge du monde, 2009. Jarre en Argile émaillé noir.
Frédéric Ruyant
― Table White Storm, 2011. 180 x 165 x 75 cm. Table en Corian. Edition Tools galerie 8 ex + 2 EA.
Gae Aulenti
― Lampe de table Rimorchiatore, 1969. 38 x 30 x 15 cm. Métal moulé émaillé jaune, verre. Editeur : Candle, Italie
Mattia Bonetti
― Freezy. Lampe en cristal de roche, socle en chêne sablé, feuilles d’or. 40 x 10cm.