Patrick Messina présente à la galerie Philippe Chaume ses premières séries photographiques intitulées «Ma petite Amérique» et une nouvelle consacrée à la mer. Grâce à la technique du décentrement et de la bascule, il navigue entre le flou et la netteté, affolant notre perception de l’espace, transformant les plus grandes villes du monde en modèles réduits puis amplifiant les formes de la nature à l’infini.
New York est méconnaissable, habitée de maisons de poupées aux briques blanches ou rouges tandis que les gratte-ciel disparaissent dans l’imprécision d’une altitude élevée, comme les taxis jaunes et les passants, qui eux, sont trop près du sol. Patrick Messina déshumanise la ville, la vide de ses habitants — elle ressemble à une maquette d’architecte ou à un jouet en plastique.
A Toronto, un parking vu du ciel révèle des réalisations architecturales géométriques, bassins et terrasses, qui trompent l’œil, alors que des voitures alignées, colorées se détachent entre les bâtiments.
À Chicago, les tours de parkings aux fondations nettes s’élèvent dans un brouillard électrique. Les réverbères font penser à de minuscules bâtonnets de bois peints. Il émane de ces photos un charme désuet, poétique comme si elles étaient des images en relief de plastique grattées par le temps.
La nature est sublimée, exagérée. Central Park est irréel et bucolique: les arbres roux enserrent les courbes sinueuses des ruisseaux. C’est comme si une buée automnale s’était saisie de l’objectif. Tucson, Arizona: une route, ligne caillouteuse, serpente au fil des montagnes arides. Elle est parcourue par un balai incessant et insensé de voitures minuscules. Dans le cratère d’un volcan, à Atacama se dessinent les volutes des geysers du Tatio. Des silhouettes fantasmatiques contemplent la beauté des sources chaudes se reflétant dans le sel.
Enfin, le photographe rend grâce à l’intensité de l’océan: que cela soit à Brest ou sur la Barrière de Corail en Australie, il amplifie l’éternité de la mer. L’horizon incurvé est inondé des nuances de l’eau. Les nageurs et voiliers sont des grains de poussière. La vision du Cap est grandiose: on croirait la mer prête à dévorer la ville qui étincelle de mille feux multicolores. L’écume émerge de l’immensité bleue sombre et vient s’abattre élégamment sur les récifs du littoral.
Le contraste est grand entre la ville qui se noie progressivement dans la pénombre, malgré les lumières artificielles, et le ciel auréolé du soleil couchant. Ciel et océan se confondent. Les profondeurs sont nivelées par les nuances de bleu. La lumière pénètre le ciel bas, gris-bleu comme une intervention divine.
Liste des Å“uves
— Patrick Messina, A Journey, 1999-2009. Ensemble de photographies argentique, tirage lambda, 50 x 60 cm ou 120 x 150 cm.