Adel Abidin, Lamia Joreige, Siska, Estefania Penafiel Loaiza, Ali Cherri, Larissa Sansour, Bill Balaskas
Passé simple, futurs composés
Des images en contrechamp
Comment représenter la prolifération des images, la saturation des informations quotidiennes, la temporalité linéaire et accélérée d’un réel toujours plus «événementialisé»? L’exposition «Passé simple, futurs composés» propose un parcours plastique à travers des œuvres contemporaines d’Adel Abidin, Estefania
Penafiel Loaiza, Ali Cherri, Larissa Sansour, Siska, Lamia Joreige ou encore Bill Balaskas.
Tous ont en commun ce rapport à un temps distordu et déréalisé, un vif désir de redéfinition de l’axe temporel traditionnel. Les allers et retours vers le passé, l’éclatement de l’instant, morcelé, impalpable, et les multiples chemins offerts par l’avenir traversent toutes les propositions des artistes réunis dans cette exposition.
L’anachronisme de l’image ouvre alors un large champ des possibles. C’est donc sous le signe du décalage et du brouillage temporel qu’Amanda Abi Khalil a réuni ces œuvres. Dès lors, la représentation du monde s’inscrit dans des espaces imaginaires, des non-lieux utopiques bien loin de la linéarité de l’actualité. Plus de prévision. Plus de sens monolithique. Les récits sont poétiques, intemporels, réinventés. L’œuvre est la trace d’un temps recomposé.
Le travail de l’artiste d’origine irakienne Adel Abidin s’inscrit parfaitement dans cette problématique. Ses choix esthétiques heurtent souvent le public et refusent toute posture rassurante. L’humour et l’ironie travaillent en creux son langage artistique et créent des déplacements inattendus d’images ou de représentations chez le spectateur. Créer est bel et bien «politique» pour Adel Abidin, et ce credo pourrait être le fil rouge de l’exposition «Passé simple, futurs composés».
Le travail d’Estefania Penafiel Loaiza ou d’Ali Cherri interroge aussi le pouvoir de l’image en prise avec la politique, les soubresauts de l’histoire et le chaos des conflits militaires ou sociaux. Cela n’est sûrement pas anodin pour des artistes traversés par le souffle des révolutions en marche… Ali Cherri, par exemple, a présenté son travail il y a deux ans à l’Institut du monde arabe dans l’exposition «Dégagements… La Tunisie, un an après». Artiste libanais, il a posé son regard artistique et politique sur les événements du Printemps arabe. Pour lui, c’est une véritable nécessité de témoigner: un devoir de mémoire. En effet, lorsque les médias s’emparent avec violence et urgence d’un événement, celui-ci s’insère dans un mouvement d’effacement du précédent, à court terme, alors que les transformations sociales, politiques, culturelles s’inscrivent, elles, dans l’effort et la durée. L’art prend alors toute sa place, rempart contre l’éphémère et l’univoque.
Ensemble, ces artistes cherchent l’image manquante, invisible, latente ou en attente pour représenter la complexité du monde contemporain. Et comment ne pas lire un désir au fond de subversion, dans cet éclatement des codes temporels traditionnels? Larissa Sansour, artiste palestinienne, née à Bethlehem, dont le travail a été exposé pour la première fois à Paris en 2012, s’exprime inlassablement sur le conflit israélo-palestinien. Elle avoue ressentir une obligation de faire quelque chose sur le sujet, même si elle refuse le titre d’artiste politique. «Je pourrais très bien peindre des fleurs», ironise-t-elle…
Commissariat: Amanda Abi Khalil
Vernissage
Mercredi 17 septembre 2014 Ã 19h
Lieu: Espace Aubervilliers