L’installation est sans épaisseur apparente. Il s’agit d’un wall drawing. Le matériau graphique: du ruban adhésif aluminium. Le motif: des hexagones identiques, aux tentacules parfaitement régulières, qui se répètent, et s’enchaînent, jusqu’à couvrir la totalité des murs de la galerie.
Ce réseau-résille épouse, sans s’y fondre, la structure des lieux. Il en souligne l’irrégularité: des bords plus épais distinguent les parois, des aplats de peinture grise comblent l’inclinaison du sol. La grille s’impose, et ouvre un espace circulatoire. En effet, le motif qui se répète à l’identique n’est jamais vraiment tout à fait le même. Réfléchissant, il apparaît, et disparaît, selon le point de vue. Ce qui incite au déplacement. Il renvoie aussi son image spectrale au spectateur. Au-delà du mur, c’est encore un espace virtuel qui s’ouvre.
Cette profondeur inattendue surgit de la tension que provoque l’alliance de la stabilité d’une structure parfaite à la variabilité imprévisible des sensations visuelles. Les moyens minimaux de sa mise en œuvre (mur blanc comme support et contour comme moyen graphique) se réfèrent, de l’aveu même de l’artiste, au mythe grec de la naissance de la peinture. Quand «Dibutade, fille d’un potier de Corinthe, sachant que son amant Polemon allait la quitter pour un long voyage, traça sur le mur le contour de l’ombre du jeune homme projeté par la lumière d’une lampe. Elle réalisa ainsi le premier dessin qui fut à l’origine du premier stade de la peinture, l’aplat monochrome».
Le déscotchage aura lieu, en public, le mardi 14 octobre, à 17h30. L’empreinte de l’œuvre éphémère apparaîtra, pour disparaître bientôt à son tour, et emporter un espace définitivement imaginaire. Stade ultime de la peinture, et de la sculpture, s’il en est.
— Passages, 2003. Adhésif aluminium. Dimensions variables.