Etienne Cliquet, Rachel Labastie, Emilie Perotto
Passages
La réhabilitation de la Chapelle des Capucins en centre d’art porte avec elle la quête du processus et du rapport qu’entretiennent les volumes entre eux, autant de problématiques que l’on retrouve dans les oeuvres présentées.
La première production présentée dans l’exposition résulte d’un projet artistique en milieu scolaire. Il s’agit d’une collaboration entre l’artiste Emilie Perotto et douze élèves d’une classe de terminale section menuiserie du lycée professionnel d’Embrun. Ensemble, ils produisent depuis janvier une sculpture monumentale en bois qui travaille les tensions et les lignes dans l’espace. Son nom? Le Dahu, en référence à cet animal imaginaire qui aurait deux pattes plus courtes que les autres pour lui faciliter ses déplacements en montagne…
Parallèlement, Emilie Perotto est invitée à produire deux nouvelles sculptures pour l’exposition. De par son implication dans le projet avec le lycée professionnel, l’artiste a suivi toutes les étapes de la réhabilitation et a pensé ses sculptures in situ. L’esprit de contradition (sculpture capucine 1/2 et 2/2) sont des sculptures monumentales, faites à partir de topan noir, de plexiglas bleu, d’inox et de cordes de marin.
Rachel Labastie présente la série des Entraves (2008) où elle reproduit en porcelaine blanche des fers d’esclaves qu’elle pend à de gros clous d’acier manufacturés, et pour l’exposition, à des clous forgés qui datent du XIXe siècle, retrouvés dans le plancher que l’armée avait installé dans la Chapelle. Elle transforme ainsi ces entraves en singuliers trophées d’un passé colonial en apparence révolu, où coexistaient les hommes libres et ceux privés de droits.
Le travail d’Etienne Cliquet, avec Flottille (2011), engage un regard sur les échelles, les volumes, les matières et les surfaces. Cette vidéo est composée d’une série de séquences montrant des micro-pliages en papier argenté s’ouvrir et se refermer à la surface de l’eau. Ces formes géométriques de quelques centimètres de côté sont découpées par une machine pilotée par ordinateur. Elles ont une courte durée de vie. Les forces qui les animent ne répondent pas aux lois de gravité mais à des phénomènes plus imperceptibles comme la capillarité et la tension superficielle qui s’exerce entre le liquide et le papier.
«Passages» renvoie à l’espace et surtout au temps, nécessaires pour appréhender tout objet sculptural. Le spectateur est vivement sollicité dans un espace où toutes les sculptures sont à la périphérie, murales, à l’exception d’une seule, à même le sol. Pour appréhender les oeuvres, il faut se déplacer sans cesse, multiplier les points de vue et conjointement, habiter l’espace. «Passages» est une tentative de laisser s’exprimer des oeuvres qui marquent un tournant dans la pratique de certains artistes et de «redonner» au lieu l’espace qui est le sien. Si certaines sculptures participent de l’architecture pour dévoiler des aspects de la réhabilitation, toutes entretiennent un rapport important au corps, du monumental à l’infiniment petit.