Edith Roux, Vytautas Stanionis
Passages
Édith Roux réalise des ensembles photographiques aux esthétiques formelles toutes en retenue, couleurs sans outrance et cadrages francs et non-intrusifs, qui traduisent ses interrogations face aux bouleversements paysagers et psychologiques provoqués par des choix sociétaux. Elle nous dit son étonnement inquiet devant les usines ou les centres commerciaux qui envahissent inexorablement les terres habituellement réservées à l’agriculture.
Pour cet ensemble «Territoires en suspens», elle s’interroge sur la construction de résidences sécurisées avec mur d’enceinte, fermeture codée et système de surveillance, comme il s’en crée aux États-Unis, en Espagne, ou à Toulouse notamment. Elle s’indigne de l’acculturation à l’œuvre par des transformations autoritaires de territoires sous la pression de décisions idéologiques, comme la destruction de villes ancestrales et leur remplacement par des bâtiments en béton, ou en d’autres lieux, l’irruption de villes sans habitant au milieu de l’immensité des steppes. Enfin, elle dénonce les dérives des systèmes censés protéger les citoyens dans des vidéos teintées d’humour et de burlesque.
L’esthétique de Vytautas Stanionis diffère de celle d’Édith Roux par l’utilisation systématique du format carré et l’articulation entre cadrages qui télescopent lignes et plans colorés, et ceux qui, au contraire, étalent le vide dans un jeu de valeurs monochromes. Son ensemble «Lituanie. Images d’adieu» réalisés en 2003 et 2004 se décline en des images de même petite taille dont l’accumulation donne tout le poids à un ensemble fait de petits riens, rarement animés de personnages: boutiques désuètes d’où n’émerge que l’enseigne d’une marque de soda ou de bière, jardins en désolation, rues d’un autre temps, murs décrépits.
Vytautas Stanionis témoigne de l’état des villages et des périphéries de villes provinciales de son pays, espaces inhospitaliers et oubliés depuis longtemps. Mais ses images expriment aussi la nostalgie d’habitants qui, en une sorte de résistance à la mutation de leur cadre de vie qui s’opère lentement, appliquent sur leurs vieux murs des couleurs vives, comme pour leur éviter la disgrâce d’une démolition.
Malgré les propositions visuelles différentes qu’ils nous offrent, Édith Roux et Vytautas Stanionis se rapprochent par leur questionnement de territoires transformés ou en cours de transformation. Ces mutations à l’œuvre ne sont pas sans conséquences sur les conditions de vie des hommes et des femmes qui les subissent. C’est ce que sous-tendent les images de ces auteurs, donnant à leurs travaux une dimension éminemment politique.