Hans Schabus
Passager clandestin
Le dictionnaire affirme qu’un «Passager clandestin est une personne qui voyage illégalement par avion, bateau ou train et qui se tient habituellement caché». Hans Schabus utilise ce terme pour ses implications politiques. La clandestinité implique la dissimulation aussi bien que la migration d’un lieu à un autre en évitant tout contrôle extérieur. Hans Schabus croit que ce jeu du hasard, de même que la vulnérabilité que suggère la dissimulation, font partie du processus de création. Sans doute s’identifie-t-il lui-même à un clandestin. Parallèlement au contexte et aux références politiques que déploient les œuvres de cette exposition, Hans Schabus présente un véritable vocabulaire personnel des images.
L’exposition s’ouvre sur l’installation Grenzland, 2010, l’habitacle du dortoir d’une ancienne caravane. La caravane, disloquée en plusieurs parties et dépouillée de ses roues, est réduite à l’immobilité. Hans Schabus fait ici référence à l’ouvrage de Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre, laissant supposer que le sommeil est un voyage vers l’inconnu. Située en face d’une bicyclette désuète, qui repose contre une colonne, la caravane est à la fois une force motrice et un objet en déplacement.
The Sun Highlights the Lack in each, 2012, une bicyclette chromée devient, à partir d’un vieux vélo rouillé, un raffinement démodé qui traduit la volonté de l’artiste de renouer avec ce que l’on considérait auparavant comme un signe de décadence dans notre système social. Pour son projet à l’exposition de la Biennale de Colombo en 2012, Hans Schabus a entièrement démonté une bicyclette achetée sur place, chromé les différentes parties pour finalement les assembler à nouveau. Il est alors parti en bicyclette depuis le Sud de l’île jusqu’à la Biennale à Colombo et l’a stationnée à l’intérieur de l’espace d’exposition. Cette simple action peut être lue, conformément au respect de la réalité économique et sociale de l’île, comme une action qui permet au véhicule de se fondre dans le paysage par le jeu des reflets de sa surface chromée.
Dans le second espace d’exposition Hans Schabus présente une série de dessins réalisés à l’aveugle, Without Title, 2013. Des autoportraits exécutés les yeux fermés, dans l’hésitation. Le regard de Hans Schabus semble s’être tourné vers l’intérieur. Les dessins correspondent à la série des objets en bois accrochés sur le mur opposé, Sanniya, 2012.
Les visages rappellent les masques traditionnels cingalais Sanniya que Hans Schabus a découvert lors de sa résidence au Sri Lanka. Ces masques étaient utilisés pour guérir la population lors de cérémonies médicales dansées. Chaque masque représente un démon qui est tenu responsable des conditions de santé. Les cingalais taillaient ces masques dans le bois de l’arbre à pain. Avant que le masque ne reçoive sa forme définitive, un premier état sommaire est taillé d’après la découpe du bloc de bois. C’est une des traces de cet état préliminaire que Hans Schabus capture avec ses visages. S’il est vrai qu’historiquement l’art abstrait évolue à partir du réalisme, la pratique de l’artiste en prend ici le contre-pied.
Flora (Artiste in Residence), 2012, une colonne construite à partir de rouleaux de papier toilette complète l’exposition. Hans Schabus a récupéré les tubes pendant les trois mois de sa résidence au Sri Lanka, comme un gardien du temps visible.