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Particules n° 18. Réflexions sur l’art actuel

La revue gratuite Particules fait un tour d’horizon de l’actualité de l’art contemporain et des réflexions menées à son sujet. On retrouve notamment dans ce 18e numéro Jiri Kovanda, Olivier Assayas, Valérie Jouve ou Xavier Franceschi.

Information

  • @2007
  • 2.
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Présentation
Gaël Charbau
Particules n° 18. Réflexions sur l’art actuel

«C’est le chaos dans mon frigo», éditorial de Gaël Charbau
« Ce qui effraie le plus, ce n’est pas la réalité, mais ce qu’on imagine qu’elle cache. » Caravage, Tom York, Arthur Rimbaud, Jacques Lacan, Michel Blazy, Philippe Perrot, Christophe *, ou Georges Orwell auraient probablement pu prononcer cette phrase, qui énonce en quelques mots simples le motif, le mobile, du travail intellectuel. «Qu’est-ce que cache la réalité ?», c’est différent de «A quelle heure on mange ?» ou «Tu votes pour qui ?». — «Tu es allé voir le dernier film de Lynch ?» est par contre une bonne question, puisque c’est lui qui a formulé la phrase dont nous parlons en ce moment, lors d’une interview parue dans Studio en décembre 2001. «Ce qui effraie le plus, ce n’est pas la réalité, mais ce qu’on imagine qu’elle cache.»
Elle cache quelque chose…
Ce que cache la réalité, c’est le réel, et le réel on se cogne dedans ; c’est donc le magnifique cube de Tony Smith, Die, de 1962. Irréprochable dé noir, ni un monument ni un objet, ni trop grand, ni trop petit, juste ce qu’il faut pour être une œuvre.
Ce que cache la réalité, c’est par exemple le travail de Joe Coleman, dans le cycle Nouvelles du monde renversé en ce moment au Palais de Tokyo, peintures maniaques d’un artiste qui hait le milieu de l’art et qui a donc le temps de travailler et de réaliser une œuvre. C’est peut-être aussi le sujet de l’exposition de Thomas Hirschhom à la galerie Chantal Crousel, qui fait un pas de plus vers l’indescriptible, et qui expose comme on largue ses tripes sur un champ de bataille.
Ce qu’elle cache, c’est aussi la seule bonne question à poser aux artistes dans une interview, qui n’est pas : «As-tu le sentiment de questionner ton rapport au monde» ou «Ton travail se situe aux limites du visible ? », en buvant un Campari, mais :
Quelle est ton obsession ?
À propos du Campari dans les vernissages : il y avait jusqu’à présent le jaune Ricard, maintenant le rouge Campari, et si le Curaçao s’y met, on aura les trois primaires.
«En France, nous ne sommes d’accord sur rien, tout le monde passe son temps à gerber sur le travail des autres, tout le monde se critique derrière les sourires faux-culs des vernissages, c’est infernal», me confie une galeriste. Elle a raison : c’est certainement parce qu’on à tous les mêmes obsessions, et qu’on construit tout un mic-mac intellectuel pour ne pas avouer qu’on rassemble aux autres. L’art est toujours un bon prétexte pour protéger nos obsessions. La mort, le sexe et l’argent, vous voyez quelque chose d’autre, sincèrement ?
Pour en revenir à la bonne question, supposer que la réalité cache quelque chose, ce n’est déjà pas si mal, donc, c’est au moins une position modeste qui laisse du terrain à l’imaginaire et aux grands sentiments. Mais est-il possible de partager un sentiment ?…
… «Rateau regardait la toile, entièrement blanche, au centre de laquelle Jonas avait seulement écrit, en très petits caractères, un mot qu’on pouvait déchiffrer, mais dont on se savait s’il fallait y lire solitaire ou solidaire» (Albert Camus, «Jonas ou L’Artiste au travail», in L’Exil et le Royaume, 1957).

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