Mathieu Mercier
Part 1
«Part I», une exposition personnelle de Mathieu Mercier pensée comme le premier mouvement d’une suite à venir. Placée sous le signe d’une tension permanente entre réalité et abstraction, elle présente un ensemble d’œuvres inédites appartenant à des séries en cours.
Une nouvelle Sublimation occupe l’espace central de la galerie. Le nom de cette série, débutée en 2012 et aujourd’hui constituée d’une quinzaine d’œuvres, est tiré de la technique employée par Mathieu Mercier pour incruster à chaud des outils schématiques d’appréhension de l’espace ou de la gamme chromatique sur des socles blancs en Corian, un matériau lisse et résistant. A chaque signe sublimé est adjoint un objet de la vie courante ou un produit naturel, comme c’est ici le cas. Un morceau brut de stéatite, cette roche tendre couramment mise au service de l’apprentissage classique de la sculpture sur pierre, est confronté à un schéma emprunté à la théorie des couleurs, légèrement simplifié pour en faciliter la perception.
L’œuvre inclut sa réception au cœur du projet, elle est une équation posée à l’adresse du spectateur, dont l’imagination est stimulée par les mises en relation des parties qui la composent. Sur les murs de la galerie, des acryliques sur toile aux motifs d’inspiration textile reprennent à leur compte de grands principes formels de la peinture moderne, et plus particulièrement de la peinture à bandes parallèles.
Le vocabulaire classique de leur composition en triptyque est mis à mal par les différences d’épaisseur et de formats des châssis employés, dont les agencements décalés, presque rythmés, confèrent une valeur sculpturale, si ce n’est objectale, aux peintures. Si elles se prêtent volontiers aux projections mentales, en faisant appel à la mémoire visuelle du spectateur et à ses représentations, mêlées, de grandes abstractions de la modernité, elles renvoient aussi à un champ dense de problématiques, d’une possibilité décorative revendiquée par Buren aux complexités dialogiques de la forme et de l’objet.
L’œuvre peinte sur toile, rare, n’est pas pour autant inédite dans l’œuvre de Mathieu Mercier. Ainsi un précédent ensemble de tondi kaléidoscopiques décomposant l’image d’un diamant révélait, dans un esprit critique, l’artificialité de certains codes picturaux. Cette nouvelle série rappelle aussi et surtout celle, photographique, récente, des Scans, par les motifs historiquement référencés et les réflexes traditionnels de l’analyse picturale qu’elle met sciemment en jeu.
Trois axes, trois sphères (2014), une dernière œuvre murale, isolée, se détache dans l’espace. Jeux d’équilibre constitués de lignes et de sphères, construction géométrique aux allures de satellite, elle garde en elle le souvenir des Prouns d’El Lissitzky, ces «stations d’aiguillages» nées des expériences spatiales de la peinture abstraite.
Les œuvres réunies ici portent la marque sensible du regard posé par Mathieu Mercier sur les avant-gardes historiques, tout comme de son profond intérêt pour la capacité de synthèse finale de l’œuvre d’art. Elles sont aussi révélatrices de son attachement
aux circonstances réelles de la rencontre entre l’œuvre et le spectateur, lequel est invité, tant par sa pensée que par ses déplacements, à activer l’œuvre dans une expérience résolument située dans le temps.
Chaque œuvre de Mathieu Mercier peut de fait être comprise comme la matérialisation synthétique de l’ensemble des données d’un problème auquel il s’est longuement confronté, et dont il soumet au spectateur une solution ouverte, fondamentalement ambiguë, frappante d’évidence et pourtant irréductible à l’analyse.