La peinture de David Salle est énergique, colorée, et les figures qui la composent immédiatement lisibles. Mais Salle combine à la lisibilité efficace de l’affiche publicitaire, un procédé complexe de construction de l’image qui en sape l’évidence.
La composition en diptyque Snowflakes confronte l’image d’une jeune fille stylisée façon manga à celle en noir et blanc d’une femme masquée, le corps enveloppé dans une cape.
La jeune fille en débardeur rouge semble avancer vers le spectateur, traversant des motifs décoratifs évoquant le graffiti ou les jeux vidéo tandis que la pose hiératique de la femme drapée évoque la statuaire antique ou la tragédie grecque. Jeux vidéos, manga, graffitis, autant de pratiques artistiques subjuguées par la vitesse avec laquelle les images se télescopent et se transforment côtoient ici la lenteur solennelle de la dramaturgie.
David Salle confronte aussi des univers disparates dans une même image. Ainsi ce portrait de star en noir et blanc, visage-objet avantageusement mis en valeur par un éclairage de studio, sur lequel il gribouille à la hâte une tête et superpose un melon et une fermeture éclair.
Geste iconoclaste sur ce masque figé de beauté ? On ne sait pas très bien si Salle constate avec ironie, indifférence ou nostalgie que l’heure n’est plus à la contemplation fascinée des images mais à leur digestion hâtive et désordonnée. C’est ce qu’il semble en tout cas vouloir montrer par cette profusion de signes qui se bousculent sur ses tableaux, sans logique narrative apparente.
La confrontation de ces esthétiques multiples brouille la finalité de ces tableaux, tant il est évident qu’une peinture ne cherche pas à séduire pour les mêmes raisons qu’une publicité ou qu’un jeu vidéo. D’ailleurs, quelles sont les images qui séduisent et créent du fantasme aujourd’hui ? Quel est l’impact de la peinture, une fois confrontée à ces images efficacement communicatives ? A-t-elle encore le pouvoir de retenir le regard ?
Comme le faisait remarquer Daniel Richter «la peinture est le médium le plus figé, le plus lent et le plus conscient de la tradition, et donc le plus difficile à élargir» : deux aspects que Salle semble justement vouloir défier.
David Salle
— Knight With Stoppages, 2003-2004. Huile et acrylique sur toile. 229,9 x 284,5 cm.
— Shadows, 2003. Huile et acrylique sur toile. 182,9 x 243,8 cm.
— Snowflake, 2003. Huile et acrylique sur toile. 229,9 x 284,5 cm.
— Photographer, 2003-2004. Huile et acrylique sur toile. 243,8 x 335,3 cm.
— Looking, 2003. Huile et acrylique sur toile. 229,9 x 284,5 cm.
— Canoeing, 2003-2004. Huile et acrylique sur toile. 167,6 x 213,4 cm.