ART | CRITIQUE

Paris-Berlin : affinités

PEtienne Helmer
@12 Jan 2008

«Paris-Berlin» ou l’intérêt partagé de quatre jeunes artistes pour les matériaux et la présentation, à même leurs œuvres, du processus qui leur donne naissance.

Ce n’est pas seulement à leur formation commune à Francfort et/ou Glasgow que les quatre artistes présentés à la Galerie Jousse doivent leurs affinités: ils témoignent d’un intérêt partagé pour les matériaux et pour la présentation, à même leurs œuvres, du processus qui leur donne naissance.

Les œuvres de Lili Reynaud Dewar tiennent autant de la sculpture que de l’objet décoratif, et même du meuble pour son Baron samedi (2006). Elles font contraster leurs qualités matérielles et leurs formes: des ailes de papillon suggérant la légèreté mais que leur gigantisme et le bois dont elles sont faites empêchent de voler (Linda MacCartney, 2004); une sphère en contreplaqué évoque la densité et le poids, impression qu’atténuent les stries régulières et vernies de sa surface (Objet d’intérieur pour la Floride, 2005).

Les rapports sont plus nets entre Alexander Wolff et Stefan Müller: leurs œuvres sont à mi-chemin entre l’expression conceptuelle et l’expérimentation. Les compositions aux proportions mathématiques scrupuleuses du premier, dont l’une est réalisée sur l’un des murs de la galerie, sont «colorées» de la poussière des rues et de triangles de feutre suspendus (Peinture murale, 2006). Le contraste apparaît aussi entre les matériaux eux-mêmes, le crayon côtoyant la feuille d’or (Sans titre, 2005).

Certaines peintures de Stefan Müller opposent elles aussi la rigueur formelle de leurs figures géométriques à leur matérialité brute: la peinture coule légèrement, la toile est décolorée (Boulder Dash, 2005). Les rectangles de papier coloré aux limites imprécises, froissés et superposés ou juxtaposés (Sans titre, 2005), mêlent peinture et collage.

L’installation architecturale de Michael Beutler (Flamingo, 2004) est plus aboutie et plus complexe: quand un espace – volume vide et malléable – devient-il un lieu – un endroit avec son identité et ses repères? Cette structure ouverte en forme de parallélépipède approximatif occupe l’essentiel de la galerie et délimite un lieu précaire et fragile, tant à cause des matériaux qui la constituent (corde, plastique, bois, scotch) que par les liens qui les unissent (nÅ“uds, embouts de plastique). Rien n’est définitivement fixé ni vraiment symétrique. Les dimensions de cette installation sont d’ailleurs variables, selon l’endroit où elle est exposée: ici, elle est en partie disposée à l’extérieur de la galerie, comme une sorte d’auvent devant l’entrée. Ce bricolage n’a pourtant rien d’un inachèvement: en ébranlant les frontières du dedans et du dehors, du stable et du mouvant, c’est la fragilité transitoire de ce qu’habiter signifie que Michael Beutler saisit avec profondeur et beauté.

Traducciòn española : Maïté Diaz
English translation : Margot Ross

Michael Beutler
— Flamingo, 2004. Plastique, bois, aluminium, scotch, carton, cordes. Dimensions variables.

Stefan Müller
— No Title, 2005. Papier sur toile. 170 x 140 cm.

Lili Reynaud Dewar
— Linda McCartney, 2004. Bois contreplaqué (tripli, épicéa), MDF, cuir. 400 x 250 x 8 cm.

Alexander Wolff
— o.T., 2005. Peinture acrylique sur coton. 135 x 107 cm.

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