— Éditeur : L’Harmattan, Paris
— Collection : Histoires et idées des arts
— Année : 2003
— Format : 13,50 x 21,50 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 224
— Langue : français
— ISBN : 2-7475-4961-5
— Prix : 21 €
Préface
par Anne Cauquelin (extrait, p. 10-11)
Les discours, qu’ils soient tenus sur le mode nostalgique – la ville n’est plus ce qu’elle était accrochons-nous au patrimoine – ou triomphant – vive le virtuel et place à la cité planétaire – sont souvent bardés de généralités, s’appuient sur des arguments partisans ou sentimentaux et manquent leur cible, qu’une recherche patiente peut seule mettre au jour.
Cette recherche, Andrea Urlberger la poursuit par des voies inusuelles : projets d’architectes, de paysagistes urbains, défricheurs de codes économiques, inventeurs de prochaines mutations, dont les démarches restent ignorées du grand public et n’ont pas cours dans les projets officiels.
Ce qui apparaît dans ces esquisses – projets achevés ou pistes indiquées – c’est la nature hybride de la ville, ses contradictions vivantes, la matière, à la fois malléable et résistante, qu’elle offre à ses habitants. Toute une partie des cités est de l’ordre de l’imaginaire, celle qui concerne les mémoires, les repères du sentiment, les traces d’existences passagères ; une autre partie est tournée vers les changements de rythme, les transports, les percées autoroutières ; on peut penser que ces deux parties s’opposent entre elles, qu’elles se rejettent mutuellement or ce n’est pas le cas. Car le phénomène contemporain le plus intéressant est le constant passage de l’un à l’autre bord de la modernité. Dislocation et rassemblement, fragmentation et totalisation, reprise et dispersion : le mouvement qui agite perpétuellement les villes est comme un battement, une pulsation, il suffit d’y prêter attention ; déjà , le travail de Paola Bernstein-Jacques sur le «déhanchement» architectural dans les favelas de Rio avait montré ce passage entre construction et déconstruction ; qui jamais ne se fixe sur l’un ou l’autre de ces deux aspects et les rùe tous deux en jouant de leur contraire : manière de résister à la disparition et de critiquer les certitudes urbaines bien établies.
Ce que nous montrent les projets d’artistes tels que les 1 0 -dencies de Knowbotic Research est de la même veine. Qu’ils soient attirés par les prouesses du numérique, qu’ils travaillent à des parcours virtuels, à des architectures floues, liquides ou invisibles (Nunes ou Marcos Novak), qu’ils tracent des plans pour une économie sans brides, nourrie de friches et de déserts (Mutation, Rem Koolhaas) ou encore qu’ils pensent architecture et urbanisme d’une seule venue, comme un hybride entre nature et écologie artificielle (Vicente Gallart), cela ne les éloigne pas du dessein de la cité idéale, celle que nous portons tous en bandoulière comme un rêve inachevé.
Pour autant ces esquisses des sociétés futures ne restent pas sans échos: ou bien en effet elles répondent à des aspirations qui ne se connaissent pas elles-mêmes en tant que telles, ou bien elles agissent sur des parcelles, fragments de territoires laissés à disposition par l’indifférence ou le désintérêt et que l’habitant-paysagiste à son insu relève de leurs ruines et porte au rang d’œuvre singulière.
Ce petit livre d’Andrea Urlberger rafraîchit notre idée de la ville contemporaine : n’est-il pas temps de quitter les habitudes d’idées avec lesquelles nous continuons à penser, d’accepter que nos villes interrogent non pas tant l’avenir, comme on le croit généralement mais tout simplement le présent ?
(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions L’Harmattan)
L’auteur
Andrea Urlberger est docteur en esthétique, sciences et technologies des arts. Membre du groupe Malsapé-Paris, elle travaille sur les articulations entre art contemporain et urbanisme.