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Paradise Now

Anticipant sur l’entrée dans la galerie, les rayonnements de couleurs choisies par Georges Autard transpercent la vitrine pour happer le visiteur.

Depuis les pans de toiles rectangulaires qui recouvrent les murs du lieu, s’écoule un parfum de peinture acrylique signalant la fraîcheur du travail, et, surtout, la pression d’un ensemble d’œuvres qui enroulent le visiteur en leur sein.

Libérées de châssis, les toiles, arrimées par des clous, se déploient en affichant des phrases ou slogans aussi lapidaires que le geste qui les y a inscrits: «Prophetik system», «A hard rain’s gonna fall», «Knockin’ on heaven’s door», «Wisdom and compassion» ou plus significativement encore «Zen spirit + punk attitude».

Ce dernier slogan semble traduire la logique des œuvres, car si une impression de chaos se dégage des inscriptions, antithétiques et agressives, répétées jusqu’à occuper toute la toile, cette impression est néanmoins sagement contrebalancée par la préparation de leur choc contre la surface, comme en témoignent les esquisses à la craie.

Feignant également l’omission de la place nécessaire à toutes les lettres, ajoutées par suite à l’aide de flèches, la maladresse préméditée se donne ainsi à voir à l’œil attentif.

La disposition des toiles, encore, tempère la véhémence de ce qui y est peint (et une toile imprimée numériquement participe de cette aseptisation). Toutes ou presque de mêmes dimensions, elles s’enchaînent régulièrement les unes aux autres.

Sans monotonie toutefois: deux d’entre elles brisent cette continuité, et se superposent aux autres pour les dépasser en hauteur et masquer leurs textes.

Rivalité véhémente qu’encourage l’usage systématique de la lettre «k», et les trois mots superposés «Abstraktiv / Constrüktiv / Kommando», tandis qu’ils évoquent un passé artistique —thème récurrent dans le travail du plasticien— renvoient à une brutalité linguistique et historique, selon la filiation punk du détournement de signes.

Dans l’un des coins de la pièce grésille un média désamorcé où s’exhibe, tracé en caractères noirs, le titre de l’exposition: «Paradise Now». Un poste de télé griffé d’animations noires et grises est greffé à un meuble par du ruban adhésif.

L’ubiquité des œuvres se signale aussi par les à-plats criards (orange fluo, jaunes ou rouges) qui baignent les textes de chaque toile. Il est alors difficile de ne pas songer, osons le dire, en période de soldes, aux affiches publicitaires ornant les façades urbaines. Dimensions et couleurs sont de fait sensiblement les mêmes. Notons au passage qu’une peinture Georges Autard est, le temps d’une exposition collective, déployée dans l’une des vitrines des Galeries Lafayette de la ville.

Les traits communs avec les procédés de communication voltigent cependant face à la facture imprégnée de pulsions qui ramène davantage le visiteur du côté du graffiti revendicateur ou du tag coulant —«Egotrip ou turbulences» figure d’ailleurs parmi les expressions peintes. Fi des dégoulinades, pas de reprise.

Georges Autard provoque presque à l’anagramme avec les deux séries de miniatures présentées dans le couloir de la galerie. Agrégats de flyers ou bandes de cartons assemblées en objets magiques, toutes sont estampillées, ou plutôt griffonnées «Paradise Now»; ces pièces apparaissent de fait comme un programme antécédent la réalisation des toiles, composé par l’artiste refermé sur son ouvrage.
Bob Dylan qui, jeune, avançait que «les musées [étaient] des cimetières», voit là son assertion sauvagement ébranlée.

Au bout du couloir, le titre de l’exposition si souvent répété et de nouveau apposé prend tout son sens sur un amer fond orange, abattu largement par le sourd cadre bleu ciel qui le cerne et s’offre en refuge à l’œil: Paradise Now.

Å’uvres
— Georges Autard, Sans titre, 2012. Peinture acrylique sur toile, 270 x 400 cm
— Georges Autard, Sans titre, 2012. Peinture acrylique sur toile, 270 x 400 cm
— Georges Autard, Noir Efficace, 2012. Peinture acrylique sur toile, 220 x 260 cm
— Georges Autard, Abstraktiv Constrüktiv Kommando, 2012. Peinture acrylique sur toile, 220 x 220 cm
— Georges Autard, Time is on my side, 2012. Peinture acrylique sur toile, 214 x 130 cm
— Georges Autard, Paradise Now, 2012. Peinture acrylique sur toile, 214 x 130 cm
— Georges Autard, Wisdom and Compassion, 2012. Impression numérique sur toile, 130 x 200 cm
— Georges Autard, Paradise Now, 2012. Peintures acryliques sur carton, environ 40 x 25 cm chacune
— Georges Autard, Paradise Now, 2012. Peintures acryliques sur carton, environ 50 x 60 cm chacune
— Georges Autard, Sans titre, 2012. Collages et peintures sur papier, environ 30 x 20 cm chacun