Présentation
René Maes
Parade n°7 is watching you
Le prochain numéro de Parade traitera de la question de la surveillance. Pour cela, nous avons demandé à des artistes, des écrivains, des critiques d’art, une philosophe et un psychanalyste de nous livrer leur conception de la surveillance.
«Bentham, écrit Foucault, s’émerveillait que les institutions panoptiques puissent être si légères : plus de grilles, plus de chaînes ; plus de serrures pesantes. Il suffit de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans chaque cellule d’enfermer un fou, un malade, un condamné, un ouvrier ou un écolier.Celui qui est soumis à un champ de visibilité, et qui le sait, reprend à son compte les contraintes du pouvoir ; il devient le principe de son propre assujettissement» (Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975).
En 1989, dans Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, Deleuze écrira que désormais ce qui compte n’est pas la barrière (l’institution, l’enfermement) mais l’ordinateur qui repère la position de chacun, licite ou illicite. Une surveillance à ciel ouvert.
Cependant, comme s’attache à le souligner Alain Declercq — artiste qui lui-même s’emploie à surveiller ce(ux) qui nous surveille(nt) —, il s’agit aujourd’hui de s’interroger sur l’omniprésence de cette surveillance en regard de certains événements politiques (comme, bien évidemment, le 11 septembre). On peut se demander, en effet, ce qui échappe encore de nos jours à la surveillance. «Le domaine poétique, répond Jacques Lemée dans Evasion poétique, (qui est) dans sa liberté souveraine, sans rapport aucun avec la surveillance calculante». Dans son texte De la malveillance, Franz Kaltenbeck précise en outre qu’«aucun système de surveillance ne sera jamais parfait pour la simple raison qu’un système, aussi sophistiqué soit-il, n’est jamais à l’abri de l’acte manqué et du symptôme». Mais en dehors des systèmes du pouvoir, qui nous surveille ? Les images et les effigies, répond Xavier Vert dans Surveiller, outrager : «Veiller dans l’absolu, ou hanter le temps des hommes, veiller dans et veiller pour, veiller sur et sur-veiller, si surveiller c’est outrager avant que de punir : autant de performances dont les images sont tour à tour objets, agents et sujets».
Au travers des textes de Diane Watteau, Thibaut de Ruyter, Aline Caillet, Colette Dubois, et de l’entretien avec Philippe Hurteau, les questions très politiques que posent ces flux «d’images avec ou sans auteur», ainsi que les divers dispositifs de surveillance, sont ici envisagées, pour une part, dans le cadre des pratiques artistiques contemporaines. Entre autres questions, se pose donc celle de la responsabilité de l’artiste : en utilisant, parodiant ou créant ce type d’images (en détournant par exemple des informations réelles et en y incorporant des fictions), ne craint-il pas lui-même de participer de cette vaste mise sous contrôle de la vie publique et privée ?