Laurent Grasso
Paracinéma
Laurent Grasso est un artiste qui produit «peu» d’œuvres et cela tient probablement à leur complexité. Son travail vidéo consiste à extraire de la réalité des phénomènes potentiellement cinématographiques, en scénarisant — ou plutôt devrait-on dire en virtualisant — ce que capte l’œil mécanique de la caméra.
Son œuvre habite la bordure, la limite du réel, en faisant adopter à la caméra un point de vue généralement inattendu par rapport à la scène filmée. Le personnage principal des films de Laurent Grasso n’est jamais directement présent puisqu’il s’agit de la caméra elle-même. Il la pense comme un objet autonome, n’obéissant pas aux réflexes du regard humain. Ses vidéos se présentent sous la forme d’installations, de dispositifs, où le son occupe une place importante, à la fois comme véritable matériau et vecteur d’ «irréalité».
A l’espace Paul Ricard, l’artiste présente Paracinéma, une vidéo tournée dans le célèbre centre industriel cinématographique italien créé par Mussolini en 1936, Cinécitta.
Depuis plusieurs années, Cinécitta a retrouvé une grande vitalité. Laurent Grasso s’est naturellement intéressé à ce lieu en cherchant à réaliser un film qui se nourrirait d’autres films. L’artiste a donc tourné pendant une journée dans ces décors de cinéma encore en place, en «incrustant» au sein de rues de faux western et autres morceaux de ville en carton-pâte des fictions minimalistes, donnant une seconde vie à ces décors.
L’impression est celle d’une existence dans la fiction, comme si chaque décor avait une vie autonome, qui aurait échappé à l’histoire des différents tournages.
Le bruit du vent contribue à rendre les scènes irréelles. La caméra opère des mouvements très faibles et, peut-être encore plus que dans les autres vidéos de l’artiste, elle tend à s’effacer, pour mieux nous déplacer au cœur de la préoccupation essentielle de l’artiste: ce que l’on voit et ce que l’on perçoit, est-ce vraiment la réalité?
Vertigo est un film basé sur le phénomène de la vision entoptique, ces phénomènes visuels que nous connaissons tous, et qui se manifestent par des effets de «mouches» ou de «papillons» colorés à l’intérieur de l’œil. Dans cette œuvre, Laurent Grasso poursuit son investigation sur les perceptions intimes, propres à chacun, qu’il déplace sur l’écran de la projection. En rendant cette sensation individuelle perceptible par tous, il rend manifeste ce qui relève généralement de l’ «inexprimable» et nous invite à regarder — les yeux ouverts et parmi les autres — ce qui d’habitude nous concerne intérieurement.
Irma Vep est une pièce étrange qui reproduit par des étincelles la silhouette de la célèbre Irma Vep (anagramme du mot vampire), héroïne emblématique du cinéma fantastique. On retrouve dans la pièce de Laurent Grasso l’intérêt que porte l’artiste à la science-fiction et au fantastique, pour ces mondes étranges où les images nous invitent à perdre nos repères et déplacent nos certitudes en usant d’artifices.