Pâques de Martin d’Orgeval
Martin d’Orgeval a réalisé un ensemble de photographies de l’Île de Pâques pendant un voyage d’hiver, en juillet. En se confrontant à un lieu écarté du monde qui appartient à l’imagerie de carte postale et à la mémoire collective, il prend à contre-pied les clichés habituels avec un parti pris radical, éloigné de la photographie noir et blanc traditionnelle. Aucune des mythiques statues n’est représentée en pieds, l’horizon laisse place à des matières brutes entre blancs solaires et noirs sourds et obsédants.
Dans ce livre, les fragments de paysage – pierre, mer, terre – succèdent aux visages impassibles et menaçants des statues. Des objets solitaires vus en gros plan – écorces, couteau, maison ou vestige d’architecture – ponctuent ce parcours, seules traces de vie, seuls signes éphémères. Le temps semble suspendu. L’île apparaît comme une sculpture totale, œuvre du vent, de l’érosion, du ruissellement, du dépérissement.
En se situant au plus près de ce qu’il voit, Martin d’Orgeval s’attache à reproduire le langage des éléments. Il s’arrête devant la structure géologique de la pierre, le jeu des textures, le foisonnement des signes présents dans la roche volcanique – scarifications, boursouflures, failles, cavités. Avec une vision frontale et systématique, il capte des surfaces déchiquetées et rugueuses, en fait un vocabulaire objectif d’où naît une beauté sombre.
Son livre est un poème qui évoque symboliquement le destin tragique de la civilisation pascuane et nous fait voyager sur le chemin de l’abstraction vers le monde intérieur de l’artiste.
Article sur l’exposition
Nous vous invitons à lire l’article rédigé par Nicolas Bauche en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Pâques