«Les gestes que Natalia Jaime-Cortez développe depuis maintenant plusieurs années apparaissent comme une longue conversation exploratoire entre elle et les matériaux du monde. Des matériaux très simples, presque atemporels du point de vue de l’humanité: le charbon, l’encre, l’eau, le corps — son corps, le temps. Passant allègrement de la performance physique au dessin, et du dessin de nouveau au geste, l’artiste semble prolonger un seul et même mouvement qui serait celui de la danse.» (Extrait de Géographie du pli, Emeline Eudes, Revue Facette 0- 2014)
Cet extrait issu du texte d’Emeline Eudes, Géographie du pli, résume le mouvement dans lequel s’inscrit la pratique de l’artiste. Pour cette exposition Natalia Jaime-Cortez présente un ensemble de travaux récents sur papier où elle affirme son expérience du dessin. Grands formats, couleurs affranchies, papier dont la matérialité s’impose, ces dessins attestent du passage du temps et du processus qui a présidé à leur réalisation.
L’acte de pliage est le point de départ et le moment essentiel de leur création. De ce geste inaugural résultera le dessin à venir, sa structure. La feuille de papier est pliée jusqu’à l’obtention du format carré, puis elle est repassée afin qu’apparaisse la trame du pli qui permet au dessin de s’émanciper de la bi-dimentionnalité en raison des effets de profondeur créés par le pli et le dépli.
Natalia Jaime-Cortez pousse parfois ce mouvement de déploiement dans l’espace jusqu’au stade où le dessin nous emmène vers la sculpture. La seconde phase porte sur le traitement chromatique que l’artiste qualifie «d’usure accélérée». Le papier, trempé dans un ou plusieurs bains d’encre et de pigment pour une imprégnation et une absorption maximale, puis séché, est à la limite de la déchirure. Il s’apparente à une peau teintée, érodée par le temps, un pan de surface au bord de se défaire. C’est par cette extrême fragilité et cette dimension du périssable que s’effectue l’inscription du temps à même le dessin.
Natalia Jaime-Cortez fait selon ses propres termes «remonter la couleur» emprisonnée dans la trame à la surface du papier, comme on remonte le temps, afin d’en extraire la substance enfouie dans les replis de la mémoire. Les couleurs affleurent, tels les veines du marbre ou la surface délavée d’une fresque antique. Le blanc du papier forme un voile ténu derrière lequel les couleurs, translucides, se dématérialisent.
Dans cette nouvelle série de pliages Natalia Jaime-Cortez, démontre sa capacité de ne rien figer, ce qui constitue l’essence même d’un dessin. Ce qui explique également qu’elle ne sépare pas, au sein de son activité artistique, le dessin de la performance, passant sans cesse de l’un à l’autre.