Reno Leplat-Torti
Paňos, art carcéral
Le Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon à Sérignan, dans le cadre de ses missions de démocratisation de la culture, permet au plus grand nombre de découvrir l’art d’aujourd’hui grâce à des actions d’initiation et de sensibilisation à l’art contemporain. Il propose des activités adaptées à tous les publics et en particulier à ceux qui ne peuvent avoir accès à la culture ou en sont éloignés en raison de leur situation, soit liée à la maladie, soit à l’isolement ou à l’enfermement comme les personnes incarcérées.
Depuis deux ans, le musée a initié des actions avec le centre pénitentiaire de Béziers dans le cadre du programme «Culture-Justice». Des visites au musée pour les détenus bénéficiant de permissions de sortie et l’intervention d’artistes ont été mises en place.
En février 2013, l’artiste Reno Leplat-Torti a proposé aux détenus un atelier de création de panos, tradition carcérale de dessins sur mouchoirs destinés aux proches des prisonniers. En adaptant et traduisant les codes conçus par les détenus américains, les détenus du centre pénitentiaire de Béziers ont réalisé leurs propres mouchoirs.
Reno Leplat-Torti, né en 1984 à Marseille, est artiste sérigraphe, graphiste, auteur de comics, réalisateur de documentaires, collectionneur. Issu du graff, il intègre l’École des Beaux-Arts de Nîmes où il fonde la maison d’éditions Nunu.
Il y a cinq ans, en glanant sur internet des petits objets fabriqués en prison, il découvre l’art des panos. Frappé par la puissance à la fois du sujet et de la forme, il prend contact avec des familles de détenus américains et possède aujourd’hui une importante collection présentée dans de nombreuses galeries en Europe. Il prépare actuellement un film documentaire sur le sujet.
L’art du pano, diminutif de panuelo («mouchoir» en espagnol), art populaire marginal, est apparu pendant les années quarante dans les prisons du Texas, de Californie et du Nouveau-Mexique. Certains amateurs estiment que leur origine remonte au système pénitentiaire français mis en place au Mexique après la révolution de 1910.
Les détenus, d’origine généralement hispaniques, illettrés pour la plupart, inventent leur propre système de communication avec l’extérieur. Sur de simples mouchoirs réglementaires attribués par l’administration pénitentiaire, ils dessinent à la plume avec de l’encre récupérée, de la cire ou du café.
Par la suite, dans les états du sud-ouest des États-Unis cette pratique devient une sorte d’art traditionnel carcéral et se répand dans le reste du pays. Les inspirations de la culture chicana est très présente: les évocations catholiques ou de la «vida loca» sont associées aux symboles de la prison et de l’amour dans tous ses états. Ces différentes iconographies se retrouvent également dans les tatouages chicanos et les peintures murales.
Les panos envoyés aux enfants convoquent le répertoire d’images apprécié des petits: des Mickeys, des peluches, des oursons. Malgré la précarité des moyens de réalisation, tels des objets transitionnels, ils rassurent et créent du lien au-delà des barreaux, une façon de s’adresser à la famille, ou aux membres du gang…
Ces panos apparaissent telles des pages arrachées de journaux intimes cathartiques avouant sentiments, émotions, pensées et rêves dissimulés, témoins de leur vie en captivité à travers une grande force esthétique. Une richesse d’expression visuelle se dégage de ces mouchoirs, une manière de transcender l’enfermement et l’isolement, le passage interminable du temps et l’ennui, la solitude de la survie en prison où l’identité est matée. Des dessins sur toiles miniatures, plus forts que les mots pour recouvrer humanité et dignité.
— Rencontre avec Reno Leplat-Torti. Discussion autour de l’édition qui accompagne l’exposition
Mardi 7 mai 2013 Ã 16h
Vernissage
Samedi 6 avril 2013 Ã 13h