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Panorama 3. Salon du prototype

Présentation des travaux des élèves du Fresnoy. Études, maquettes, ébauches des projets de la troisième promotion forment le principe du catalogue, de forme ouverte, pour coller aux évolutions futures des travaux commencés; pour montrer la richesse et la diversité des productions en œuvre.

— Éditeur : Le Fresnoy — Studio national des arts contemporains, Tourcoing
— Année : 2002
— Format : 27 x 20,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-9507039-9-2
— Prix : non précisé

Projet d’un salon, expériences d’une traduction
par Christophe Kihm (extrait, p. 4)

Panorama 3, salon du Prototype. Soit une enquête, plus ethnologique que policière, menée auprès de différentes personnes — des étudiants, mais aussi des responsables, des artistes, des techniciens… —, pour une investigation dans un lieu de production — Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains. Soit une problématique d’exposition: montrer ce lieu de production par ce que l’on y produit des pratiques, des objets, des discours, eux-mêmes filtrés par de multiples médiations, qu’elles soient scolaires ou extra scolaires. Soit une réflexion théorique engagée autour d’une lecture esthétique de la notion de « prototype », repérée comme centrale au sein de ce lieu.

Avant de déplier ce « programme », il faudrait cependant prendre acte du glissement originaire qui en a favorisé l’élaboration. Commencer par le commencement, en revenant sur le rôle du « commissaire » tel qu’il fut compris à cette occasion.

Committere, « laisser partir avec, confier à » : d’où commissaire, « personne chargée d’une mission temporaire ». Mais committere, en latin, signifiant également « engager le combat » et pouvant parfois même, dans un emploi péjoratif, prendre le sens de « commettre une faute ». Puis commissaire, en français, désignant dans l’usage courant un fonctionnaire en charge de responsabilités administratives (commissaire de police, commissaire aux comptes).

Ces nuances, à travers lesquelles se dessinent les multiples reliefs d’une définition autant que les nombreuses facettes d’une fonction, entrent certainement en résonance avec les différentes tâches menées par un commissaire d’exposition. Le commissaire, homme de décision, qui connaît les faits et doit fournir les preuves; le commissaire qui mène l’enquête, questionne et propose des solutions. Le texte suivant, introduction du projet général adressé au Fresnoy daté du 29 janvier 2002 parle de lui-même quant à la nature du commissariat engagé pour « Panorama 3 » : « À la suite de discussions et de rencontres effectuées maintenant depuis plus de deux mois avec de nombreux interlocuteurs concernés par « Panorama 3 », j’ai émis quelques hypothèses de travail qui ont aidé à la formulation de ce projet général. Celui-ci est à la fois le résultat et la synthèse de ces entretiens et échanges. Il détermine un cadre de travail commun, ce qui signifie implicitement qu’il m’est rigoureusement impossible de le mener à terme seul. Cette dimension participative, condition centrale de sa réussite, constitue selon moi son principal intérêt (sur un plan strictement personnel mais aussi professionnel) : elle détermine le sens de ma présence au Fresnoy, mais aussi l’identité de « Panorama » en tant qu’exposition d’un lieu de production par ceux qui y travaillent. » Les étapes de ce travail et les différents choix qu’elles ont engagé sont livrées à la suite…

Ceci n’est pas une exposition, ceci n’est pas un curateur

Panorama relève d’un paradoxe: cette exposition n’en est pas une pour deux raisons majeures. D’une part, selon le strict point de vue du curateur, en termes de décision et de choix (ou plutôt de non-choix et de non-décision), puisque le nombre et la nature des choses présentées y sont arrêtés par avance. « Panorama » expose en effet l’ensemble des productions réalisées par les étudiants dans le cadre de leur année scolaire au Fresnoy, sans restriction. Ensuite, parce que la connaissance de ces productions est partielle, leur visibilité délicate, les projets étant terminés en fin d’année, juste avant l’exposition. Les critères d’une réunion collective sont donc déplacés : ni entrée commune sur un plan thématique, ni articulation formelle dominante, mais une totalité de projets déjà là, bien qu’incertains. Cette exposition n’en est pas une, également, parce que la diversité des choses produites, qui concerne à la fois les supports, les approches et les démarches (théâtre, performance, film, vidéo, installation, photo, CD-Rom, etc.) doit être distribuée selon différents lieux de présentation dont l’existence, la présence et le poids, induisent déjà, semble-t-il, chez la plupart des étudiants, une forme de monstration et un placement dans l’espace (la projection en salle, l’installation en nef, les photos sur les coursives, etc.). Le bon sens proposerait, pour suppléer l’insuffisance du terme d’exposition dans ce contexte, celui de festival: une majorité de films, un ensemble de travaux qui sollicitent pour la plupart la projection et qui tous produisent des images, un tout hétéroclite qui coexiste dans une unité de lieu et de temps, en continu. Cependant, la programmation d’un festival relève de critères identiques à ceux d’une exposition, qui ne sont pas plus ici retenus.

Il faudra donc chercher ailleurs la cohérence des choses exposées. Elle pourrait s’en remettre à une dimension platement scolaire: deux promotions regroupant 45 étudiants dans une école. Elle renvoie plus largement au lieu de production en son ensemble, à ses modes de fonctionnement scolaires et extra scolaires, à ses missions et à ses structures, à ses cadres techniques et esthétiques. Que produit ce lieu ? Comment produit-il ? Il produit des objets en ayant recours à de multiples médiations — projets, dossiers, validations, rencontres avec des professionnels, des conférenciers, parrainages artistiques, budgétisation et gestion de matériel, tests, simulations, expositions —, mais aussi au travers de voyages, rencontres, déplacements et imprévus, soit tout ce qui concerne la dispersion de la production dans une multitude de lieux et de personnes extérieures à l’école. Ainsi la production se génère-t-elle en multipliant les objets; ainsi, son lieu se construit-il. Si, paradoxalement, ce dernier ne favorise pas, en son sein, l’éclosion d’un collectif humain (réunions d’élèves autour d’un projet commun), mais au contraire des pratiques individuelles — chaque étudiant montrant un projet dont il assume le suivi et la responsabilité selon une éthique libérale —, c’est à l’inverse dans la multiplication des objets et des médiations humaines et non-humaines qu’il génère du collectif (une réunion d’acteurs dans la réalisation d’un objet). Parmi ces médiations, la technique joue au Fresnoy un rôle déterminant, le lieu se pensant avant tout (à tort ou à raison) comme un laboratoire, une unité de travail expérimentale, professionnelle et scientifique. Le collectif contenu dans les objets renvoie donc explicitement à la pratique d’un lieu soumis au discours technique, constat qui explique en partie les choix engagés pour cette troisième édition de « Panorama ».

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du Fresnoy)

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