David Lefebvre
Pandi, Panda
David Lefebvre est peintre — cela mérite d’être mentionné aujourd’hui tant le risque est grand pour un artiste français de sa génération (il est né en 1980) de continuer à user d’une pratique souvent jugée obsolète. David persiste et signe et il ne lui en est pas fait grief. Cela tient sans aucun doute à ce qu’il réussit comme personne à représenter le temps.
Il ne s’agit pas ici d’un temps «évènementiel» et de sujets «extraordinaires» mais du temps ordinaire dont on ne perçoit pas l’écoulement et de sujets sans rien de plus surprenant que d’être «vus à la télé» ou «copiés collés» sur Internet (comme les Pandas, par exemple): photos découpées dans des magazines ou prises par téléphones portables, vidéos déposées sur YouTube.
Insignifiantes en elles-mêmes, le traitement pictural de ces images en «tableaux» modifie cependant leur statut quand bien même cette «œuvre d’art» ne prétend rien montrer qui la justifie comme telle. Bien au contraire, comme elle paraît coller au plus près de la banalité, le premier effet visible est un effet brut: David Lefebvre peint vite, acceptant la maladresse, les coulures et laisse intactes des parties de toile vierge. Il ne cherche pas à «bien faire» — ce qu’on attendrait a priori: une technique savante permettant d’opérer une belle sublimation des sujets.
Or non seulement David Lefebvre opère-t-il cette «reproduction» par les seuls moyens de la peinture, mais encore a-t-il recours à des procédés plus classiques, comme la «mise au carreau» permettant de cadrer et d’agrandir le sujet à sa convenance. Ainsi, partant d’une image très pauvre, de basse définition, il ne cherche pas à masquer cet état mais à le préserver jusqu’au stade final du tableau terminé dont l’aspect «inachevé» montre le tracé au crayon de la grille sur la toile.
Quitte à malmener ces systèmes mis en place sur de petits formats, David Lefebvre cherche à en repousser les limites toujours plus loin: «Cela m’a permis, dit-il, de libérer pas mal de choses, au niveau de la touche, des coulures, le fait d’accepter de laisser des zones non-peintes qui deviennent réellement présentes et font partie intégrante de la peinture.»
Parfois, il n’hésite pas à emprunter une solution plastique qu’il juge parfaitement réussie par d’autres: «Je me retrouve dans une sorte de fantasme de la copie qui peut être parfois moteur dans ma peinture. Il m’arrive de choisir une image parce que je vais avoir envie d’obtenir le même rendu qu’une image d’une peinture de Peter Doig, par exemple.»