La rétrospective de l’artiste belge Panamarenko s’ouvre sur une machine volante occupant tout l’espace du rez-de-chaussée. Ce prototype utopique de neuf mètres d’envergure ressemble à un planeur. Helicopter (1973-1986) est une maquette qui combine bricolage, poésie et fantasme scientiste. Pour faire voler cette libellule de résine, il suffit de s’asseoir sur le siège et de pédaler pour activer l’hélice. Malheureusement les interdictions affichées au mur nous le déconseillent vivement. C’est justement dans ce refus, dans cette impossibilité que se dévoile l’œuvre de Panamarenko. Que ce soit dans ses dessins préparatoires ou ses maquettes réduites, l’expérimentation n’est jamais possible.
Les machines à voler sont en fait des machines à rêver. Seul notre imaginaire s’élève. Les joyeux bricolages opèrent des déplacements. Nos pieds ne bougent pas d’un pouce, mais notre pensée part ailleurs, elle s’envole. Le voyage proposé n’est pas une rêverie ni un abandon, au contraire il commence dans l’inspection minutieuse des détails de tous les rouages des machines. Les articulations, les entrailles, les mécanismes de ces cerfs-volants à grandes ailes, de ces squelettes d’oiseaux comme Persis Clambatta (2001) sont source de découvertes, d’itinéraires prompts à provoquer, à prolonger ces inventions.
Si ces nombreuses machines n’arrivent pas à nous envoler, elles parviennent à nous faire partir ailleurs. Elles sont immobiles, elles ne bougent pas et si on actionnait un seul mécanisme tout se casserait. Loin d’être une frustration, cet équilibre de l’arrêt, cet équilibre de l’immobilité provoque un sentiment d’étonnement mêlé d’amusement. D’emblée ces curieux assemblages ne sont pas sérieux, même s’ils sont entourés d’un écran de fumée pseudo-scientifique constitué de poulies, d’hélices, de câbles, de circuits imprimés plus ou moins factices… D’emblée, le spectateur épaté regarde des fabrications qui oscillent entre de fumeuses inventions du concours Lépine, des squelettes d’animaux préhistoriques, des carcasses antiques de l’aviation, et des prototypes de design industriel. D’emblée il est projeté dans un univers mi-mécanique , mi-biologique. Tous ces pédalos des airs nécessiteraient l’action d’une force musculaire surhumaine. Ces inventions artistico-scientifiques sont hybrides, elles sont des prolongements de l’homme, de son corps et de ses rêves. L’artiste icarien, des  » airs et des songes « , bien que travaillant sur l’objet et sa matérialité, interroge également le corps.
Les œuvres confectionnées sont des attelles humaines, elles sont le prolongement onirique et inconscient de nous-mêmes. Elles combinent le mécanique et la force musculaire. Elles sont des armures dans lesquelles se glissent le voyageur. Leur utopie, leur idéalisme n’empêchent pas l’expérience somatique d’opérer. Le parcours, l’expérimentation sont possibles. L’endossement de ces carcasses, de ces modules, de ces harnais fait glisser cet art de l’à -peu-près, cet art de l’assemblage, vers un art mutant, un art de la transformation. Les mécanismes de ces machines volantes mettent un fil à la patte à celui qui pourrait les endosser. Comme un pantin, le spectateur se retrouverait prisonnier comme une marionnette. Ces amas de fils, de cordes, de ceintures le transformeraient en une marionnette.
— Helicopter, 1973-1986.
— Paradox, 1974-1988.
— Waterlab, 1968. erre, carton, feutre. 56 x 56 x 100 cm.
— 7000 – Meter High Flying, 1994.
— Polistes, 1990.
— Knikkenbeen, 1994.
— Persis Clambatta, 2001.
— Monocedo, 2000.
— Trompetjet, 1985. Résine, baba, bakélite, feutre. 93 x 100 x 60 cm.
— Sac à dos volant Bangalore, 1994.