Richard Allen Morris
Paintings
La Galerie les Filles du calvaire accueille la première exposition en France du peintre américain Richard Allen Morris.
« La biographie artistique de Richard Allen Morris est succincte, à tel point qu’on s’étonne du peu de place qu’elle prend. Né en 1933 à Long Beach, en Californie, Morris a passé la majeure partie de sa vie à San Diego, où il a travaillé avec ténacité dans de petits ateliers, presque à la lisière du monde de l’art et toujours en dessous du seuil de pauvreté.
À deux ou trois exceptions près, ses expositions personnelles ont à peine franchi la périphérie sud de Los Angeles, en plus de quarante ans de carrière, et sa première expérience en galerie ailleurs qu’à San Diego n’eut lieu qu’en 1996, à la Chac Mool Gallery, dans l’ouest de Hollywood. Malgré cela, le cliché de l’outsider anticonformiste ne s’applique pas à lui: sa peinture regorge bien trop de références contemporaines et historiques pour ça.
On préférera donc l’image du « peintre pour peintres », quelqu’un dont le travail est essentiellement critiqué et estimé par ses pairs. Selon John Baldessari, Morris reste un modèle d’influence, tandis que le peintre David Reed voit dans son oeuvre polymorphe  » tout une Escuela de San Diego, par un seul et même artiste ».
Chronologiquement, il amorce sa démarche en 1961 en peignant la totalité du numéro de septembre de la revue « Art International », de la première à la dernière page. En noir et blanc, par petites touches rapides, il couvre près des trois quarts de la toile ; page 59 la grille s’interrompt brutalement, là où le magazine passe à la couleur: l’authentique impulsion de sa peinture.
La série « Guns », réalisée entre 1965 et 1969, nous ressert savoureusement du Claes Oldenburg, et même les portraits de Brenda et Nigel (tous deux de 1969) semblent davantage inspirés de sculptures molles que de personnes réelles.
Pour des pièces plus petites, Morris emprunte au dripping façon Pollock, au pinceau vigoureux de Franz Kline ou au style all-over des premiers travaux de Philip Guston, en les réduisant à de toutes petites interventions éparpillées sur une toile, étiquetée et signée séparément.
Le pouls de sa peinture bat à travers les années 1960 et 1970 avec la régularité d’une sinusoïde. Morris se dégage du pathos de l’Expressionnisme abstrait pour le réconcilier un temps avec le Pop Art.
Les empâtements précipités connaissent soudain une nouvelle vie sous forme de figures comiques ; la peinture surgit du tube directement sur la toile ou vient enduire de longues lattes de bois à coups de couteau à palette. À l’aide de Patch-N-Paint, un enduit de bouchage malléable au séchage rapide, l’artiste façonne un paysage de cratères en chewing-gum (« Untitled », 1986), peut-être un premier exercice de doigté en prélude à la « Gum Map » réalisée en 1996 avec du chewing-gum sans sucre.
Étant donné les nombreux traits d’esprit qui jalonnent l’oeuvre de Morris, on serait tenté d’y voir cette ironie postmoderne qui, depuis la fin des années 1960, a permis à certains artistes de prendre leurs distances par rapport aux modèles traditionnels (notamment modernistes).
Cependant, Morris se positionne autrement. Il s’abreuve des modèles contemporains et passés, qu’il tient en grande estime et dont il collectionne et analyse des reproductions dans des « Homage Books » soigneusement tenus, mais chacun de ses tableaux reprend là où l’approche opérée par le maître menace de devenir trop conventionnelle: si la peinture recouvre le support standard qu’est le châssis toilé apprêté de blanc, il s’autorise la désagrégation vers le bord inférieur (« Painters Shade », 1982) ; et l’effet  » mouillé sur mouillé » de « Pacific Mix » (2000) se voit coiffer d’une petite couronne dorée appliquée directement au tube.
Les expériences de Morris finissent toujours par pousser certains éléments un peu plus loin, et même souvent volontairement trop loin. Sa capacité à poursuivre dans cette voie toute sa vie durant, malgré la difficulté des conditions sociales et les limitations d’espace, est clairement due à cette dimension « obsessionnelle » si chère à Baldessari.
Non pas une obsession à faire du sentiment ou à broyer du noir, mais bien plutôt à toujours peindre à fond avec enthousiasme, avec effusion même, a contrario de la grande majorité du monde de l’art. En fin de compte, une obsession qui a fait naître toute cette singulière « Escuela de San Diego ».
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Alexandrine Dhainaut sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
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