Dove Allouche, Iñaki Bonillas, Nina Canell, Mario Garcia Torres, Francesco Gennari, Pierre Huyghe, Joachim Koester, Bertrand Lamarche, Annika Larsson et Augustin Maurs, Benoît Maire, Ralph Eugene Meatyard, Helen Mirra, Olaf Nicolai, Gianni Pettena, Evariste Richer, Ben Rivers, Margaret Salmon, Bettina Samson, Wolfgang Tillmans
Paint It Black
«Paint it Black» repose sur un certain parti pris: ne sélectionner que les œuvres en noir et blanc acquises récemment par le Frac d’Ile de France, et dépasser par là toute entrée thématique.
Ici, point de propos définitif sur la noirceur d’un monde en crise, point d’étude approfondie sur les différentes nuances de gris dans l’art contemporain, mais un parti pris formel privilégiant les œuvres en elles-mêmes qui, au-delà de ce mince dénominateur commun, sont présentées pour ce qu’elles sont, dans leur propre autonomie.
En cela, «Paint it Black» s’inscrit dans la lignée de certaines expositions (à la façon de «Red», une exposition composée exclusivement d’œuvres rouges, conçue par Robert Nickas en 1986) qui, de la même façon, ont joué à réduire au maximum le principe thématique, et éviter ainsi que les œuvres ne soient que de simples illustrations d’un sujet donné.
Ainsi peut-on découvrir dans toute leur splendeur les points de vue extrêmes de Dove Allouche, l’interprétation surréaliste de «passes» de Joachim Koester, la vision démiurgique et un rien machiavélique de Francesco Gennari, la captation hallucinée du déchirement d’un couple de Margaret Salmon, ou bien encore la projection fantomatique lancinante de Bertrand Lamarche.
En même temps, «Paint it Black», de par son principe fondateur et sa tonalité, est aussi une proposition signifiant de fait une forme de globalité. D’évidence, elle indique une atmosphère, un climat — une couleur — que le visiteur appréhendera forcément en tant que tels. Ce d’autant plus que, loin de rassembler de façon exhaustive toutes les œuvres en noir et blanc acquises récemment, le travail de conception de l’exposition a consisté, sur le premier cadrage ainsi défini, à affiner une sélection pour in fine former une composition des plus cohérentes.
À cet égard, les œuvres s’enchaînent sans jamais rompre certaines des logiques qu’elles induisent elles-mêmes, et le parcours nous fait passer tour à tour à travers différents modes d’abstraction du réel, par des jeux convoquant la mémoire, ou bien encore à travers diverses visions cosmiques de l’univers.
En réalité, cette exposition en noir et blanc oscille en permanence entre la lecture d’un ensemble, et celle des parties qui le composent, sans qu’à aucun moment l’une prenne le dessus sur l’autre. Mieux: elles se confondent l’une l’autre, considérant que le choix que chacun des artistes présents aura fait du noir et blanc pour son œuvre correspond en réalité au choix qui aura été effectué pour l’ensemble de l’exposition.
Autre trait caractéristique de «Paint it Black», l’exposition est jalonnée de partitions réalisées par des artistes. Outre le fait que ce mode de transcription s’est fait historiquement noir sur blanc — ce même noir et blanc que les artistes conceptuels ont privilégié dans leur quête d’idéal —, au-delà de ce rapport à la musique qu’indique déjà le titre de l’exposition qui se réfère à une chanson des Rolling Stones, la présence de ces transpositions musicales est aussi celle de véritables protocoles. Des protocoles en écho au protocole général qui a donc généré «Paint it Black».
Xavier Franceschi