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Paint in Black, and Erase

Prendre des matériaux, les malmener, les écraser, les laisser sans forme, sinon les rendre informes, voici les plaisirs enfantins auxquels se livre Takehito Koganezawa dans chacune de ses vidéos.

Tout d’abord, Untitled (Soft Sculpture Sunset) montre deux mains en gros plan qui malaxent indéfiniment de la pâte à modeler de couleur grise et blanche. La matière se gondole, se creuse sans jamais prendre forme, le plaisir d’écrabouiller se suffisant à lui-même. Non loin des films expérimentaux de Stanley Brakhage, l’image vidéo de Takehito Koganezawa se pare de couleurs flashy en mouvement.

Ensuite, avec Paint it Black, and Erase, Takehito Koganezawa patauge non sans plaisir dans la mousse raser. Il en barbouille un film, qu’il couvre et recouvre de crème blanche et qu’il innerve de la sorte d’un rythme tonique. On pense à nouveau au cinéma expérimental des années 1960 et 1970, dont les protagonistes n’hésitaient pas à peindre et à griffonner la pellicule même de leurs films, pour sortir des ornières de la narration classique en faveur de pures sensations colorées.

Après la pâte à modeler et la mousse à raser, Until the End of a Tape met en scène de simples cailloux. Au-dessous d’une île en forme de rocher, une main place toutes sortes de petites pierres qui pourraient en être le reflet ou la miniature. Il s’agit là d’un jeu sur les proportions et les effets de miroir, mais surtout sur l’emprise, possible à distance, d’une masse im-préhensible de près. Désir de maîtrise et son illusion incrédule proprement enfantins.

Dans le même esprit, Bad Ego et Jet in Rectangle soumettent le réel à la vie imaginaire. Ainsi, d’un côté, une tête en carton apposée à des vêtements suspendus à un fil compose un personnage; de l’autre, des lignes blanches tracées par des avions rebondissent (de manière fictive) sur les bords de l’écran. N’est-ce pas là une faculté propre aux enfants que de faire du réel un terrain de jeu?

Enfin, Takehito Koganezawa présente des petites gravures qui, tout comme ses vidéos, mettent en œuvre une pulsion enfantine, en l’occurrence celle de griffonner. Des jambes, des chiens, des mains ou encore des bonshommes sortent et rentrent dans des embrouillaminis de traits noirs ou ocre. On sent ici le plaisir de construire et de détruire qui constitue les enfants en véritables figures nietzschéennes du devenir: «L’enfant est innocence et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, un “oui” sacré» (Ainsi parlait Zarathoustra, Friederich Nietzsche).

Chez Takehito Koganezawa la figure de l’enfant est au centre.

Until the end of a tape, 2008. Video with sound. 26’ 48″
Bad Ego, 2010. Video no sound. 13’ 45″
— Dessin extrait de l’exposition «Paint it Black, and Erase», 2010
Untitled (Soft sculpture sunset), 2008. Video no sound. 11’19″
Jet in a rectangle, 2007. Video no sound. 04’16″
Paint it Black, and Erase, 2010. Video no sound. 17’40″
Untitled, 2010. 19 prints for one set. 4/24, 6/24