Trois toiles monochromes d’un gris différent chacune, en trois formats différents sont accrochées sur un mur chacune et encadrées, d’une ligne de la même couleur a égale distance du bord du châssis.
Cette ligne grise d’une largeur de 4,5 cm fait écho à l’épaisseur identique du châssis. Cette nouvelle série, Outline Paintings, qu’on peut traduire par «Contours de peinture/peinture de contours», prolonge une approche rigoureuse de la peinture comme objet spatial, entamée depuis la fin des années 60.
Alan Charlton procède toujours par séries : Vertical Paintings, Horizontal Paintings, Paintings Divided Into Equal Parts, Paintings With A Number Of Parts Each Being A Different Grey : pour la plupart, des panneaux de différents formats et de teintes grises graduées disposés cote à cote.
Si l’iconographie de cette série joue à citer Malevich (on pense à cette fameuse photographie de l’exposition collective 0,10 de 1915 et son carré sur fond blanc) les dimensions des œuvres dilatent ce qui devenait chez le peintre russe une icône, close sur elle-même. Alan Charlton intègre ainsi l’espace de la galerie à l’oeuvre ou l’inverse, à la frontière entre surface et construction.
Sa peinture est travaillée de façon que peu d’éléments viennent en troubler la perception, et pour cela il s’est, depuis la fin des années 60, astreint au seul vocabulaire de la monochromie grise.
La stratégie d’Alan Charlton, c’est le gris. Il l’a choisi pour ne pas gêner la perception du grain de la toile. Ce n’est pas non plus une couleur, mais un réflecteur de lumière. Ces variations de gris neutralisent toute dimension spirituelle ou graphique propres au noir et blanc.
Le gris de Charlton est spatial, entre la lumière pure et l’architecture. Il y a chez lui quelque chose de la numérologie et de la croyance dans la magie des chiffres et du paramétrage du réel en données mesurables pour retourner le tout en mystère. On reste étonné devant l’effet que produisent la rigueur de ses choix, de ses mesures et de ses dosages.
Alan Charlton fait aussi partie de ces esthètes modernes qui sont des fétichistes de la coupe, de l’incision (le zip de Barnett Newman est remplacé par les écarts entre les panneaux) et de la fente.
Il nous fait focaliser, zoomer, sur le phénomènes du dénivelé, c’est-à -dire le passage d’une surface à une autre par un léger décrochage : une chute ou un rebond. Cette sensation, infime et ordinaire après tout, est mise sous une loupe par sa monumentalisation.
Mais Charlton est aussi un jouisseur du tracé et de la ligne qui est le fruit d’une stratégie de conduite de notre oeil afin de l’amener là où il le désire. La toile même devient un point d’une ligne. C’est un pixel, un élément minimal d’une langue ou d’un code esthétique. Comme un point insistant qui renonce à la courbe et excite la vue par le tranchant des coins à angle droits.
Désormais classique moderne, Alan Charlton est une figure emblématique du monochrome. Il a exposé en Allemagne, Suisse, Angleterre, aux Pays Bas, en Belgique. Il a participé à la Documenta 7 en 1982 et a été soutenu par les Durand-Dessert à Paris. Par ailleurs, des oeuvres de l’artiste ont intégré les collections du Frac de Bourgogne ainsi que celles de la Tate.
Alan Charlton
— 3 Parts Painting, 1996. Acrylique sur toile. 3 x (175,5 x 49,5 cm).
— Outline painting, 2007. Acrylique sur toile et mur. Toile: 54 x 54 cm. Total: 171 x 171 cm. Distance : 54 cm.
— Outline painting, 2007. Acrylique sur toile et mur. Toile: 54 x 216 cm. Total: 171 x 393 cm. Distance : 54 cm
— Outline painting, 2007. Acrylique sur toile et mur. Toile: 216 x 270 cm. Total: 333 x 381 cm. Distance : 54 cm.