Analia Saban
Outburst
Au cours des dix dernières années, Analia Saban s’est intéressée aux processus de déconstruction, révélant à quel point l’art existe par sa matérialité mais aussi par son impact social. Pour ce faire, elle s’attaque aux procédés et aux matériaux, décomposant des œuvres d’art de tout genre afin de les recomposer sous des formes inattendues. Empreinte de sensualité, cette nouvelle série d’œuvres joue avec les notions de tactilité, fragilité, poids et gravité induites par les différents matériaux.
Intitulée «Outburst», cette nouvelle exposition s’articule autour de deux séries d’œuvres découlant de travaux antérieurs, tels que ses dessins sculptés au laser et ses pièces en béton. The Big Bang Series (in Ten Steps), composée de béton et de marbre sur toile, met en abîme l’explosion et l’expansion de l’univers, tandis que l’ensemble des huit dessins, Outburst (Living Room), s’intéresse aux crises émotionnelles et à la violence qui peuvent avoir lieu dans les espaces domestiques. Si ces deux séries se rapprochent par l’idée d’explosion, elles se différencient aussi clairement par le contraste établi entre l’aspect massif et la lourdeur du béton et la fragilité du papier brûlé.
Avec Outburst (Living Room), un dessin en huit parties découpé au laser et représentant un intérieur, Analia Saban nous montre l’image d’un chaos organisé. Combinant la technique de découpe au laser à l’utilisation classique de la perspective, l’artiste perce, creuse et brûle le papier, créant un dessin aérien. Dans ces œuvres, les étagères ont explosé et les livres sont figés sur une grille dynamique partant du point de fuite. Concernant le dessin représentant l’ensemble du salon, nous pouvons penser à Paolo Uccello et à ses scènes de batailles organisées où la perspective fait ressortir l’horreur du chaos.
Face aux quatre dessins découpés au laser, Analia Saban présente une série d’empreintes négatives, créant un jeu entre positif et négatif. Servant de réceptacle aux particules de graphite et de papier, provenant du processus de découpe, ces empreintes rappellent la technique du photogramme. Cette capacité de l’artiste à réinterpréter une ancienne technique de photographie tend à rapprocher le laser qui sert ici d’instrument de découpe, de sa vraie nature, celle de la lumière.
Avec la deuxième série de l’exposition, Big Bang Series (in Ten Steps), Analia Saban offre un contrepoint rationnel au tumulte de la série Outburst (Living Room). Cette œuvre est la continuité de son travail antérieur élaboré autour de pièces en béton. Ce matériau, base indispensable aux fondations d’une maison, est rendu ici inutile et élevé au rang d’œuvre d’art. L’agrégat de sable et de particules de marbre, qui est visible dans la première pièce de l’ensemble, est lentement densifié jusqu’à ce que le marbre envahisse progressivement toute la surface de la toile. A la fin de la série, les morceaux de marbre grandissants ne laissent apercevoir que de fines veines de béton. La pièce ultime est elle composée d’une unique plaque de marbre noir apposée sur la toile.
Jouant avec les phénomènes antagonistes de contrôle et de chaos, le travail d’Analia Saban nous perd entre apparente désinvolture et désir de pouvoir le plus total. L’attrait de ses œuvres vient alors de leur réussite formelle à maîtriser par la technique un chaos intrinsèque.