AGENDA / ART
Héctor Zamora
Ordres et progrès
Le titre de l’installation Ordres et progrès vient de la devise qui orne le drapeau du Brésil, un pays dans lequel Héctor Zamora a habité pendant près de 10 ans. Une devise qui elle-même est une version concise de la formule du philosophe Auguste Comte dans son Cours de philosophie positive : «L’amour pour principe, l’ordre pour base et le progrès pour but». Le progrès peut-il naître de l’ordre? Héctor Zamora pose la question.
Durant toute l’exposition, les bateaux de pêche en bois, qui sont exposés entre les grandes baies vitrées du Palais de Tokyo donnant sur la Seine, vont être lentement désassemblés. Au processus de destruction généralement brutal, Hector Zamora oppose un processus lent, structuré et organisé de destruction. D’ordinaire violente et anarchique, la destruction relève ici d’un geste méticuleux et ordonné. Le paradoxe est au cœur de cette œuvre où le sauvage flirte avec le méthodique.
La perturbation de l’espace traditionnel d’exposition joue aussi la carte du contraste et le mélange entre l’extérieur et l’intérieur, espace privé et public, contribue à brouiller les pistes. Architecte de l’éphémère, Héctor Zamora crée de nouvelles connexions en prolongeant la sphère d’exposition. Les bateaux de pêche existent tout en disparaissant, réinventant ainsi un espace d’exposition en perpétuel devenir.
En recontextualisant des éléments puisés dans des contextes sociaux et architecturaux qui nous sont familiers, l’exposition «Ordres et progrès» perturbe nos repères géographiques et nous interroge. L’objet bateau chargé de symboles évoque tout aussi bien le voyage que le sort funeste des migrants. A l’imaginaire d’une vie d’aventure et de voyages en mer, Héctor Zamora juxtapose la réalité de l’errance des migrants et de l’exil forcé.
La question de l’immigration et de l’exil revient souvent dans le travail d’Héctor Zamora. En 2015, dans l’exposition «La réalité et autres tromperies», des caravanes remplies de sable provoquaient une sensation d’étouffement tandis que les barques de pêche font imaginer l’instabilité et la précarité des barques de fortunes.
Désorienté, dérouté, le spectateur est mis en alerte. Héctor Zamora lui-même, ne pouvant anticiper l’évolution de son travail, perdant le contrôle, se met en danger. Se déstabiliser soi-même, dérouter les autres, comme une façon de (se) maintenir éveillé, d’éviter la fuite de notre regard.
Vernissage
Mercredi 4 mai 2016.
Le Palais de Tokyo est membre de Tram, réseau d’art contemporain en Ile-de-France.