Oranges givrées et barbe à papa à volonté est une exposition organisée à la Galerie des Filles-du-Calvaire pour une courte période et qui fait le pendant à celle intitulée Noir&Blanc qui occupait le stand de la FIAC de cette même galerie, cette année. Cette galerie, pour ces deux expositions simultanées, a retenu le prétexte chromatique pour réunir des œuvres récentes d’artistes qu’elle défend. Ne sera abordé dans ces lignes que le premier volet «coloré».
Rose-orangé, c’est en effet la teinte chromatique autour de laquelle les œuvres viennent globalement s’accorder sur les deux niveaux de la galerie. Cela apparaît comme un prétexte. C’en est un. Il est revendiqué comme tel de la même façon que le titre à consonance sucrée affirme la dimension anecdotique et légère de cet ensemble d’œuvres ici réunies.
S’il est toujours possible d’établir quelques relations formelles ou plus conceptuelles entre deux ou plusieurs œuvres, que ces dites relations soient anticipées ou non, telles que le «coup de poing» dans les œuvres de Paul Pouvreau et de Dominique Figarella, «l’alimentaire» dans celles de Simone Decker et d’Adriana Arenas, ou la monochromie dans celles d’Emmanuelle Villard et d’Olivier Mosset, il convient plutôt de s’intéresser individuellement à chaque œuvre indépendamment des autres et que cet accrochage nous permet de découvrir ou de redécouvrir. C’est aussi l’occasion de prendre connaissance de l’actualité des recherches menées par certains de ces artistes que cette galerie exigeante a le bon goût de suivre et défendre.
Citons, pour exemple, le travail d’Emmanuelle Villard qui cette fois, prend la forme de tableaux-coussinets aux couleurs acidulées. C’est en effet de cette façon que s’expriment actuellement ses recherches assidues sur la matérialité de la peinture dans son rapport au motif. L’objet acquiert ici une ambiguïté séduisante.
Une étoffe repliée sur elle-même est recouverte d’une peinture épaisse et caoutchouteuse qui, en se solidifiant, fige le tissu gorgé de couleur en un bloc plus ou moins rebondi. Le motif se confond alors avec les composants matériels du tableau que sont la toile et le médium. Cela donne à ces tableautins (ces œuvres sont de petites dimensions), fixés sur fond de mur blanc à hauteur du regard, un étrange statut «d’objets de confort» dont la dimension ergonomique apparaît comme indéniable. L’exploration de cette nouvelle voie pour la peinture excite l’imagination. A suivre donc.
Citons également les photographies de Simone Decker qui, par le biais d’un trucage assez troublant, met en scène des «chewing-gum géants» aux détours des ruelles de Venise. Ici encore les questions propres à la matérialité de l’œuvre dans son rapport au corps ne sont pas loin. Ces chewing-gum mâchés, étirés, troués, gonflés, collés, moulés dont la matérialité fut maintes fois expérimentée par notre bouche, se retrouvent ici, dans une relation d’échelle incongrue, mis en situation, dans cette ville prestigieuse, d’obstruction, d’étalement, de recouvrement, d’envahissement écœurant de l’espace. Cela exerce sur le regard une fascination étrangement contrariée par le rapport qui s’institue entre ces matérialités hétérogènes.
Ces deux exemples donnent une idée de la diversité des œuvres présentées dans le cadre de cet accrochage. Cette exposition collective nous rend donc impatient de les découvrir de façon plus approfondie encore. Ce que nous permettra à coup sûr la programmation future de ce lieu d’art.