Thomas Fougeirol considère l’espace du tableau comme une surface où agir. C’est à ce titre qu’il s’est débarrassé depuis des années des outils traditionnels de la peinture, pour envisager l’acte de peindre en privilégiant le contact avec la toile, par l’intermédiaire d’empreintes de tissus, de grilles métalliques…
La peinture est ainsi devenue un espace d’expérimentation sans étapes préliminaires; le geste s’affine et se précise à mesure des expériences, qui impliquent inévitablement une production conséquente de toiles pour arriver à l’adéquation entre le geste et le résultat escompté.
Thomas Fougeirol envisage le tableau comme un espace qui enregistre et laisse visible les traces du processus créatif. Sa dernière série d’œuvres résume sa pratique et l’amène dans une direction nouvelle: après avoir créé des gestes d’empreintes qui supprimaient et arrachaient la matière, il réintroduit un excès de matière. Cette matière est celle des restes et des rebuts de l’atelier — poussière, morceaux de toile découpés, de verre, fragments de papiers colorés — réinjectés dans de nouvelles peintures, emprisonnés dans l’épaisseur de la pâte. Ces réalisations formellement anti-séduisantes appartiennent pleinement à une réflexion sur l’informe, dans laquelle les notions de déclassement, de désordre, d’horizontalité, de bas matérialisme sont à l’œuvre.
Esthétiquement comparables à des murs d’ateliers (ou des sols), elles fonctionnent comme des résurgences d’histoires picturales déstructurées. Le plus surprenant dans cette nouvelle série devient cette dialectique que les œuvres entretiennent entre le tactile et le visible, instaurant entre les deux un écart inframince que les tableaux de pluie (2011), sorte de fragments de sol lunaire, avaient déjà sous-entendu.
Ainsi, vues de loin, les toiles ressemblent à des expériences photographiques, voire protophotographiques d’images de matières ou de vues de sols. Elles ont perdu leur matérialité au profit d’une platitude sans texture. Vues de près, elles révèlent toute l’hétérogénéité de leur structure et mettent à nu les traces du processus. Cette double perception a de quoi surprendre. Elle fonctionne comme un trompe l’esprit qui nous rappelle que depuis toujours «l’essence de la peinture ne consiste pas seulement à plaire aux yeux mais à les tromper.» (Roger de Piles)